Une nouvelle bibliothèque à explorer, celle d’Arth K, le désormais célèbre hétéronyme. Tant il est vrai que la publication d’une interview dans le blog suprême bouleverse une destinée et permet à l’interviewé•e d’entrer instantanément dans la célébrité mondiale voire au-delà.
#monanalyse
le 25 FEVRIER 2025,
L'interview de Arth K (@arthk.bsky.social)
Bonjour ArthK, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Je suis un avatar - en langage pédant, on dirait hétéronyme - dont le nom vient d’un linguiste de roman, celui que je lisais en temps jadis, le jour où j’ai cherché un pseudonyme pour les réseaux sociaux. Mais c’est plus qu’un pseudo, d’où l’idée d’hétéronyme.
Maintenant que les millions de lecteurs du blog suprême ont demandé à Google, qui sait tout, ce qu’est un hétéronyme, ils se demandent sans doute quelle différence tu fais avec un pseudo.
Et moi-même, suis-je un hétéronyme ?
Sinon, c’est pas pour râler, mais tu n’as pas vraiment répondu à la question « où vas-tu ? »
Un pseudo, c’est GilouBM94 alors qu’un hétéronyme c’est plutôt Alvaro de Campos ! C’est surement réducteur, mais l’impact du pseudo c’est de cacher l’identité, alors que l’hétéronyme a son identité propre, ses idées, sa manière d’écrire.
Où je vais ? Je n’ai pas encore trouvé, mais j’y vais (les jours sans procrastination)
Rappelons le principe de la saison actuelle des interviews de Maître Roger, blogueur suprême : l’invité•e choisit trois photos de ses bibliothèques ou piles à lire, et la conversation se construit à partir de ce choix. Ça n’a pas été trop difficile de choisir les photos qui illustrent ton interview ?
Très, car choisir c’est renoncer, et la résistance à la renonciation alliée à la procrastination c’est un combo assez détonnant. J’ai dû laisser des pans entiers en hors champ,, par exemple ma collection de SAS ou mes pléiades, que je ne sors que dans j’invite des voisins à diner.
ça aurait pourtant été intéressant de causer SAS ; tu aurais été le premier à en parler pour cette nouvelle saison du blog suprême consacrée aux bibliothèques des gens.
Alors causons SAS, que j’ai découvert jeune - je me revois envoyé par une voisine acheter le dernier à la supérette du coin, ou lors de vacances où c’était parmi les rares livres. J’aimais bien les couvertures avec des femmes sur-armées mais dont on décèle, avec l’expérience, la fragilité intérieure qui les amènera à ouvrir leurs reins à la virilité de son Altesse Sérénissime, en général à la page 37.
Plus sérieusement, je soupçonne de Villiers d’écrire sous contrainte, de temps ça c’est clair, mais aussi de placer des motifs attendus (scène de baise, torture, tentative d’assassinat, jambes fuselées, coups de knout...) à des endroits numériquement précis, mais la contrainte devient invisible, un peu comme le monde des agent•es doubles qu’il décrit.
Comme la géopolitique m’intéresse peu, je me concentre sur le style et les scènes de cul.
Première image : des livres qui parlent notamment de photographie. Ce n’est pas un hasard, j’imagine ?
Le hasard est le nom que nous donnons à notre ignorance, disent certain•es. Pas de hasard toutefois : j’ai fait moi-même les photos, donc j’ai délibérément pris cette photo. En plus, et sans dévoiler le dispositif de l’interview, j’aurais tout à fait pu réarranger, voire faire des photos de la bibliothèque d’un ami. Ce qui m’a permis de me rendre compte que je n’ai pas d’amis, hors les livres.
Le dispositif de l’interview n’est pas classé secret défense, tu aurais pu le révéler sans qu’il y eût offense.
En plus, je ne déploie aucun dispositif de contrôle, et donc la bibliothèque pourrait aussi bien être celle de n’importe qui, l’important c’est le choix des livres dont on causera.
Et ça fait longtemps que tu n’as pas d’amis ?
Depuis la disparition du dernier environ. Heureusement qu’il me reste quelques amies.
Heureusement en effet.
C’est pas pour critiquer mais on ne voit pas les titres des livres posés en pile donc difficile d’en parler. Tu peux indiquer un ou deux titres pour qu’on en parle quand même ?
Je suppose qu’il s’agit de la pile de livre photos. Je mentionne quelques-uns, et je te laisse le choix : on y trouve Antoine d’Agata, Araki, Alix Cléo-Roubaud, Sophie Calle et Jacqueline Salmon.
Parlons donc de Sophie Calle.
Calle je suis assez fan, et admiratif de la capacité à entremêler sa vie et son œuvre de manière aussi - vu de l’extérieur du moins - intriquée, ainsi qu’à se lancer des défis. Il y a un côté performeuse - certes avec moins de mise en danger direct que quelqu’un comme Abramovic, mais quand même, une capacité à ouvrir une brèche dans le réel, et, d’une certaine manière, à le ré-enchanter. J’aime aussi beaucoup sa manière d’interroger le manque, lorsqu’elle fait parler des tableaux volés, ou les personnes aveugles de ce qu’est la beauté pour eux - un de ses projets que je trouve les plus touchants. J’ai vu sa dernière exposition à Arles, qui parle de disparition, de mémoire qui s’efface, c’était très beau - c’était d’ailleurs l’objectif, puisqu’il s’agit de « Finir en beauté », dans des sous-sols humides, une crypte, déjà la terre qui avale.
Parlons des Pinçon-Charlot et des Méditations métaphysiques de Descartes : lus où, quand, pourquoi ?
Excellente pioche : le Pinçon-Charlot, pas de souvenirs précis, lu il y a pas mal d’années, parce que la socio ça se lit facilement et que ça rentre dans un réseau (encore assez limité) de livres sur Paris.
Descartes, un cadeau il y a... je dirais une bonne vingtaine d’années, peut-être vingt-cinq, d’une amie agrégée de philo, qui m’avait indiqué que celui-ci était un bon moyen d’entrée dans son œuvre. J’ai vaguement fait de la philo en dilettante il y a longtemps, mais je n’étais pas allé aux examens
Oui c’est normal que je fasse d’excellentes pioches, je suis suprême.
Moi aussi j’ai fait de la socio, pas en dilettante, jusqu’aux concours. Et puis j’ai dû me réorienter. ça mène à tout. J’ai même lu des Pinçon-Charlot, le président des (ultra) riches, notamment.
Ça fait partie (ou devrait) des humanités, au même titre qu’un peu d’histoire, d’ethno, de sciences politiques, etc..... (à mon humble avis). Ça donne de bons outils d’analyse, et ça peut aussi servir dans la photographie documentaire (on peut là-dessus lire « Enquêtes » de Dominique Meyer, et je crois que j’ai un livre co-écrit par Howard Becker qui met en relation enquête sociologique et pratique photographique, sous forme d’exercices. Le nom m’échappe : l’âge est un naufrage)
J’avoue que je ne connaissais pas Pierre Pachet, ou alors sans y avoir prêté attention en lisant sa traduction de La République de Platon en prépa ; comment cet auteur est-il arrivé à toi ?
De Pachet, j’avais lu « Autobiographie de mon père », conseillé par un ami lors de vacances à la campagne. Je ne me souviens plus des détails du livre, mais je me souviens l’avoir lu d’une traite et qu’il m’avait profondément marqué. Il y écrit (comme le nom l’indique) l’autobiographie de son père, après sa mort, des suites d’une maladie incurable (je crois).
Sans doute des résonances, et une écriture qui s’accorde à moi. Le sous-titre, « un écrivain aux aguets », est un peu une tautologie, un•e écrivain•e est toujours peu ou prou aux aguets, attentif, et traversé•e d’inquiétude. En plus la préface est de Carrère, dont j’ai beaucoup apprécié certains ouvrages.
Tu m’as convaincu, je vais commander ça de ce pas à mes libraires locales préférées.
Jouissance club, Dictionnaire des fantasmes et perversions, Le sexe bizarre, Poésie érotique… bon, le choix de cette photo n’est sans doute pas innocent. Alors, parlons-en : c’est une thématique importante dans ta vie de lecteur ?
Dans la vie d’ArthK, assez. Pas plus que d’autres thématiques, même si j’ai toujours lu de la littérature érotique. Là c’est un des « enfers », un coin à part avec certains des ouvrages les plus explicites
Ah il y a plusieurs enfers dans ta bibliothèque ? ça peut être quoi d’autre que l’érotisme ?
En fait il y a (au moins) deux endroits, avec des livres érotiques (je ne fais pas de distinction avec la pornographie, NDLI). J’utilise « Enfer » comme référence et j’ai mis ceux-là un peu de côté parce qu’un des moi respecte la volonté des autres de ne pas voir, mais j’ai grandi avec une bibliothèque où les livres érotiques étaient dans la bibliothèque avec les autres (sur la tranche, rien ne laissait transparaître, j’ai dû me taper tous les Rougon-Macquart (les livres, hein, pas la famille) avant de comprendre que je faisais fausse route. « Les Petits Oiseaux » d’Anais Nin c’était quand même mieux.
Certes, enfin c’est pas le même usage littéraire, Zola et Nin #monanalyse
Plusieurs livres de poésie : une lecture courante ou des souvenirs d’années étudiantes ?
Celle-ci est facile : les deux. À certaines couvertures NRF Gallimard (émoticône cœur) on peut supposer qu’ils viennent de ma prime jeunesse. Mon premier livre de poésie a été un de ceux-là, et je continue d’en lire, avec plus ou moins de régularité, et d’en acheter, avec une régularité plus grande encore.
En effet, j’avais remarqué les couvertures ; sans me vanter j’en ai aussi dans un état proche, celle des Fleurs du mal, par exemple, au programme du bac de français au XXe siècle.
Le premier entré doit dater de 1989. Et comme ils changent les couverture maintenant j’ai des doubles (l’âge, le naufrage). Peu de souvenir de mon bac de français (à l’occasion, je constate qu’il n’y a pas de pages Wikipédia listant les programmes du bac depuis la nuit des temps ??).
Je viens de faire la recherche et je suis stupéfait moi aussi par ce manque évident. Quoi que, autant que je me souvienne (moi aussi l’âge m’atteint), il n’y avait pas de mon temps un « programme national » mais plutôt des listes par profs. Si je n’ai pas rêvé.
J’aime bien comprendre comment les gens classent leurs livres et là c’est un peu compliqué : je vois Pablo Neruda en haut avec la poésie, en bas quand il avoue avoir vécu et aussi un autre livre isolé, je vois « La Moustache » et « Le Royaume » d’Emmanuel Carrère qui ne sont pas avec « Il est avantageux d’avoir où aller »… c’est quoi ta logique ?
Il y a peut-être une organisation au cordeau, mais secrète, basée sur une contrainte - du genre des contraintes de l’Ouvroir de Bibliothèque Potentielle.
Ou alors, une orientation générale basée sur un classement par thème - qu’on ne voit peut-être pas bien par manque de vue d’ensemble - mais avec des déviations, des écarts, sur base d’affinités que je fais, de taille des livres vs hauteurs, de déplacements là où il y a de la place.
Je ne sais pas si on peut parler de logique floue. Le problème de rangement des bibliothèques est d’ailleurs un sujet clé de certains auteurs importants (Perec, Roubaud, Borges évidemment)
Nous partageons les références d’importance sur la littérature du classement des bibliothèques #monanalyse
C’est Alex de Landes qui avait recommandé que tu sois interviewé dans le blog suprême après elle : comment as-tu vécu les instants qui ont suivi cette merveilleuse nouvelle ?
Pour ne rien cacher aux lecteurices du blog suprême, j’ai d’abord été pris de palpitations, il m’a semblé entendre des voix murmurer le cantique des cantiques (la scène où Gabriel déboule entre deux poteaux pour annoncer quelque chose à Marie), dans une féerie de lumières dorées. Puis je me suis réveillé quand le pompier m’a fait du bouche à bouche
Heureux pompier #monanalyseapprofondie
À ton tour, qui souhaites-tu voir invité•e céans par Maître Roger ?
…
Ah oui, j’oubliais, tu n’as pas d’amis...
Non. Pour rester un peu aux Enfers, je peux recommander Madame Lule, dominatrice écrivaine, mais je ne crois pas qu’elle soit sur Blue Sky !
Certes mais elle y est mais guère active, heureusement elle est aussi sur Instagram que je tolère encore (alors que j’ai abandonné X depuis pas mal de temps).
Comment ta vie a-t-elle changé depuis que tu connais Maître Roger ?
J’ai remarqué que par imposition des mains je guéris des maladies bénignes, et je me pose moins de questions d’ordre métaphysique.
Ce n’est pas inhabituel, si les symptômes persistent, il ne faut pas hésiter à consulter.
Et s’il ne restait qu’une poignée de livres à (re)lire en attendant la fin du monde, lesquels emporterais-tu ?
Question très difficile, parce que je relis / reparcours régulièrement des choses assez diverses... il faut donc s’entendre sur la taille de la poignée.
« Le grand incendie de Londres » de Jacques Roubaud voire (si elle est publiée d’ici là) l’ensemble de son œuvre (proses, poésies, traités sur la poésie), de la poésie (Le livre de la pauvreté et de la mort (Rilke), Chant Général (Neruda), L’homme approximatif (Tzara), des anthologies...), des essais de la collection Zones Sensibles, Jouir - journal de création qu’on m’a offert, La Clé des Songes de Grothendieck, et tellement d’autres (Marelle, la Vie mode d’emploi...) évidemment le livre d’Alex de Landes sinon elle va me donner des coups de parapluie... Et un livre Survivre avec tout ce qu’il faut savoir en cas de crash d’avion dans le désert ou la traversée de la jungle !
Sacrée poignée, il va falloir un gros sac, voire un caddie...
L’histoire de mes déplacements, le transport de livres ....
Et où partirais-tu lire jusqu’à ladite fin dudit monde ?
Un endroit comme Ouessant.
Qu’est-ce qui t’attire particulièrement dans un endroit comme ça ?
Si il faut attendre la fin du monde, autant que ce soit avec de belles tempêtes.
C'était l'interview de Arth K
avant...
après...
acheter-calle-sophie-232.jpg "Finir en beauté (VF)")
-poche-e-zola-238.jpg "La Fortune des Rougon de Zola. E. (2004) Poche")
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