Il fut un temps où Le Doc m'avait autopsié. Où nous étions jeunes et insouciants. Et même drôles. Les circonstances du Covid-19 ont changé Twitter et nous ont mûris. Embellis, aussi.
#monanalyse
le 28 JUILLET 2021,
L'interview de Le Doc (@Le___Doc)
Pour en savoir plus :
Accueil - Du Côté de la Science
Qui es-tu ? Que fais-tu ? D’où viens-tu ? Où vas-tu ?
Qui je suis ? Un médecin pseudo anonyme âgé de 51 ans, un peu touche à tout, mais surtout radiologue et légiste, tombé dans le réseau Twitter il y a quelques années, passé de la blague à la vulgarisation, puis au debunk Covid-19.
Que fais-je ? De la médecine entre les tweets, des tweets entre les consultations, et la nuit. De « l’influence santé » selon certains, terme que je n’apprécie pas tant que ça… Plutôt du conseil, et du décryptage en santé publique et surtout en rapport avec l’épidémie, compte tenu du contexte.
D’où je viens ? D’une famille dans laquelle je suis le seul médecin, d’un peu partout en France, après avoir beaucoup changé de lieux de vie, après un parcours un peu chaotique.
Tu as rejoint Twitter en décembre 2016 ; avais-tu eu des expériences antérieures sur les réseaux dits sociaux ou plus généralement sur les Internets (blog ou autre) ?
J’ai eu un premier compte twitter, jusqu’à 6K followers, que j’ai suspendu car il prenait une tournure qui ne me satisfaisait plus. J’ai donc fait table rase, ce qui est une méthode que j’utilise assez souvent. C’est ce compte qui m’avait permis de t’autopsier en LT après ton rhume d’homme, tu te souviens ?
Aucune autre expérience, je suis arrivé sur le tard sur les zinternets.
Oui, je me souviens de mon autopsie, comment aurais-je pu oublier ce moment historique de Twitter ? Toute une époque d’insouciance, entouré de nos chers amis.
Depuis la crise du Covid et tout ce qui s’ensuit, comment ta vie a-t-elle changé ?
Dans la vie de tous les jours, j’ai connu de nombreux bouleversements, dès février 2020 lorsque je me suis intéressé au virus.
Au taf, on a préparé l’épidémie immédiatement, afin d’anticiper, et on a été prêt très tôt, avant les réquisitions du gouvernement sur les EPI.
A la maison, de la même façon, on a vécu l’épidémie de plein fouet, d’autant que ma Chérie est une personne dite « fragile » et que cela nous a impactés de façon importante, que nous avons vécu séparés, que je continuais à travailler… (J’ai raconté cette histoire dans les chroniques de mon ami Christian dans Libé).
Ça a été un tournant, comme pour beaucoup, et c’est aussi une des raisons majeures de mon implication personnelle, et avec Côté Sciences, le groupe que j’ai cofondé avec des gens fantastiques.
Du coté de twitter, après un passage au JT TF1, le nombre de followers a explosé en une soirée, puis n’a cessé d’augmenter.
Enfin, j’ai fini invité par Olivier Véran, pour le Ségur, ce qui me vaut désormais un étiquetage politique et de nouveaux ennemis… car plus on a de followers, plus on a d’ennemis, et non d’amis…
Parlons donc de ce blog collectif, « Du côté de la science » ; comment et avec qui est née cette aventure ?
En juillet 2020, les débats se concentraient principalement sur la question de savoir si l’épidémie touchait à sa fin et si l’hydroxychloroquine pouvait être utilisé comme traitement précoce (miracle) du COVID-19, et certains parlait « de fin de partie ».
J’ai alors rencontré quatre autres personnes sur le réseau bleu : Barbara Serrano (Conseil en stratégie, Maitresse de Conférence), Yvon Le Flohic (médecin généraliste), Christian Lehmann (médecin généraliste et écrivain) et Stéphane Korsia-Meffre (journaliste médical et vétérinaire). Cette collaboration a été concrétisé en juillet 2020 par une tribune dans Libération intitulée « Donnons-nous toutes les chances d’éviter une deuxième vague ! ».
Cette tribune était associée à une pétition qui a recueilli plus de 75.000 signatures. Le lendemain, l’obligation du port du masque dans les lieux clos recevant du public était annoncée. La dynamique du groupe était lancée, le collectif est ensuite né à l’automne, avec une quinzaine de personnes, des quatre coins de France.
Depuis, ce groupe est très actif, et produit de très nombreux écrits, tribunes, articles, recommandations, etc…
L’insuffisance de la culture scientifique des gens se manifeste de longue date par moult preuves, et ça ne date ni du Covid, ni même des réseaux dits sociaux ; @cote_science contribue à combler ces vides béants mais sera-ce suffisant ? Que faudrait-il faire de plus, selon toi ?
Le manque de culture scientifique en France est hélas une vérité. Mais contrairement à ce que beaucoup pensent ou disent, elle touche aussi les « élites » et les politiques, car la formation des hauts fonctionnaires ne passe pas par des filières scientifiques.
Ces lacunes sont partout, et font le lit du complotisme, relayées ad nauseam par les réseaux, soit par ignorance, soit à dessein, ce qui est pire. Les médias ne sont pas épargnés, il serait inutile de citer des exemples…
Tout le monde a à (ré)apprendre :
- les chercheurs, et scientifiques, en travaillant sur la diffusion adaptée de leurs connaissances, en limitant l’entre soi et le langage abscond, afin de ne pas laisser le champ libre aux anti sciences ;
- les politiques, en travaillant les concepts scientifiques ou en laissant communiquer des experts lorsque cela est nécessaire
- les médias, en engageant de vrais journalistes scientifiques aptes à vulgariser et communiquer sans ambiguïté ;
- les organismes publics, en créant de vrais groupes de travail scientifiques de communication et de suivis ;
- la Société en sanctionnant plus durement les avis et contre-vérités évidentes, qui sont, plus que la marque de la liberté d’expression, la mise en oeuvre de tentatives de manipulation ;
- L’école, en ré apprenant l’esprit critique et la lecture critique dès le plus jeune âge, et pas uniquement dans les filières scientifiques.
Bon bon bon, on n’est pas rendus #monanalyse
Dis donc, en parlant de science, quand j’ai affiché ton profil Twitter pour préparer cette interview, l’algorithme m’a immédiatement suggéré de suivre aussi @raoult_didier ; quelle conclusion scientifique devons-nous en tirer quant à la pertinence des algorithmes ?
Qu’il y a du boulot… ou que je dois aller chez le coiffeur, ou me faire faire un buste sur colonne dans mon salon ? Ou peut-être que j’ai un peu tweeté sur certaines études peu conformes avec les protocoles, publiées dans L’Express ? Qui sait ?
Est-ce que faire autant d’études pour devenir médecin légiste et radiologue n’est pas un peu désespérant quand, finalement, tu te retrouves à te faire insulter, ou au mieux te faire expliquer la vie et la mort par des trolls antivax et diversement complotistes ?
Non, pas du tout, sinon il faut quitter le(s) réseau(x) ; l’absence de code social fait hélas partie des réseaux dits sociaux, avec l’anonymat (supposé). La situation actuelle difficile a d’ailleurs majoré la violence des réseaux, sur lesquels il est parfois bien difficile d’échanger, et qui devient un déversoir d’émotions négatives et de frustrations.
Cependant, des donneurs de leçons, il y en a partout, mais beaucoup n’ont pas le courage de l’ouvrir IRL, alors ils se défoulent, parfois jusqu’à menacer de mort, ce qui m’est arrivé récemment, et qui a occasionné un dépôt de plainte actuellement traité par le parquet de Paris.
Ton interview aujourd’hui est l’occasion de nous rappeler de ce temps qui paraît si lointain, celui que tu rappelais à l’instant avec ce thread historique que tu avais écrit alors que tu étais en train de réaliser mon autopsie, lors de laquelle tu avais établi sans ambiguïté que mon trépas faisait suite à un rhume d’homme ; nous étions tous deux des comptes de dimension moyenne pour l’époque ; c’était le bon temps ?
C’était une époque différente en effet, la crise Covid n’était qu’un fantasme de roman d’anticipation ou de film fiction. Le réseau n’était pas utilisé pour fédérer des camps ou mettre en avant des manipulateurs d’opinion. Mais je ne suis pas un nostalgique du temps d’avant, car les réseaux sont aussi ce que nous en faisons, et nous pouvons encore en faire un espace intéressant, d’échange, en refusant les invectives, en ne relançant pas les trolls, en triant, masquant, bloquant…
Souvent la tentation est vraiment grande de rentrer dans le jeu du provocateur idiot, ou du troll binaire, ou même de tenter de faire changer d’avis… mais certains ne cherchent que visibilité et audience, et dans ce cas, la raison guide de ne rien faire.
Tu sais que la publication de ton interview dans le blog suprême va bouleverser ta vie en attirant à toi des centaines de milliers de fans, tu auras plus de 815.000 followers et la science triomphera partout où tu parleras ; comment te prépares-tu à cette nouvelle vie ?
Cela me réjouis et m’attriste ; que la science triomphe partout est un objectif qui ne peut que me réjouir, qui faciliterait la vie de bien des gens, de soignants et de patients ; qui nous permettrait de sortir de cette crise plus vite, en limitant aussi les victimes de cette saloperie de virus.
Mais cela m’attriste également car, à 815k, je devrai probablement avoir un CM, des gardes du corps, refuser des propositions de placements produits, faite des selfies… et je ne suis pas prêt.
Des selfies ? Quelle servitude terrible 😱
Qui selon toi devrait bientôt connaître à son tour la gloire d’être interviewé dans le blog suprême ?
Il est toujours difficile de choisir, il y a tant de personnes géniales et tant de gens à mieux connaitre. Afin de ne pas faire de corporatisme je vais privilégier des non-médecins.
Tout d’abord @MaitreEtTalons, une très grande amie, une artiste, une belle âme, une excellente avocate. Beaucoup de calme et de douceur au milieu de la violence de ce réseau bleu, qui vire souvent au noir.
Un incontournable, un ami aussi, @Deuslepadre, un type d’un humour rare, une personnalité complexe, un mec bien.
Et @BlanchetX, un autre passionné, dans un tout autre domaine, lui aussi un être positif.
Où souhaites-tu que nous dînions pour célébrer ta nouvelle vie ?
Entre potes, dans un japonais, ou un libanais, en partageant les mets, tous vaccinés et sereins...
Ça me va, et en plus je suis à jour de mes vaccins depuis quelques jours, après avoir survécu miraculeusement à la seconde injection de Pfizer.
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
De vieux groupes des années 80, de la lounge, les oiseaux.
Et @MissPerelin dans tout ça ?
La plus belle de mes rencontres, mon amie, ma confidente, ma boussole.
Une femme que j’ai vouvoyée durant deux ans au boulot, avant de l’épouser…
Celle qui m’a apporté une vision psy sur mon boulot et les patients, qui m’a changé plus que quiconque.
Quelqu’un de patient, et de compréhensif, ce qui me permet d’écrire sereinement encore ces lignes alors que nous sommes en vacances…
Mon alliée et mon amoureuse.
Tant de choses à dire…
C'était l'interview de Le Doc (@Le___Doc)
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