Le blog suprême est de retour après une année de pause, et avec une nouvelle formule : parler des gens qui lisent, à partir de trois photos de leurs bibliothèques. Et puisque les temps ont changé, on parlera désormais avec des gens qui sont sur Bluesky et non plus sur Twitter désormais X, parce que c'est ainsi.
#monanalyse
le 6 JANVIER 2025,
L'interview de Babils (@babils1.bsky.social)
Pour en savoir plus :
quelques notes...
Bonjour Babils, qui es-tu ? Où vas-tu ? En lisant quoi ?
Je suis Babils, j’erre sur les réseaux sociaux depuis ma foi... un certain temps et je crois que je n’ai pas de ligne éditoriale assez claire : j’aime parler d’un peu de tout, partant du monde des transport publics (ma profession), de l’actualité ou bien de mes lectures. Enfin je retourne travailler demain matin, avec un enthousiasme assez modéré, en lisant Tokyo, Année zéro qui est un polar qui prend se déroule dans un Tokyo dévasté au lendemain de la capitulation du Japon.
En premier sur ton Bluesky à l’heure où cette interview est préparée, il y a un dessin célèbre : les rats qui lisent La Peste et se marrent bien. Quand as-tu lu Camus, à ce propos ?
J’ai lu Camus pour la première fois au Lycée, nous avions étudié L’Étranger pour le bac de français. J’étais d’ailleurs secrètement amoureux de ma prof de français à l’époque (sans être certain que ce soit particulièrement lié à l’étude de Camus). J’ai tellement bien gardé le secret de cet amour impossible que j’ai réussi à oublier son nom depuis.
Amour impossible, amour impossible... un illustre exemple nous montre pourtant qu’il n’y a rien d’impossible en la matière, surtout quand ladite prof animait l’atelier théâtre...
Dire que si j’avais osé franchir le pas à l’époque, je serais peut-être président de la République !
C’est ballot, j’aurais enfin interviewé un président 😒
La photo de ta bibliothèque avec le coussin vert me semble particulièrement peu accessible avec le plafond en pente : c’est pas trop dangereux pour le dos, d’accéder à ces livres-là ?
À vrai dire, la sous-pente de la bibliothèque est surtout dangereuse pour la tête !
Et comment te protèges-tu la tête ?
Je vis dangereusement : je ne me protège pas et vis avec l’idée que mes livres peuvent, littéralement, me faire mal à la tête.
Ton esprit de sacrifice force le respect.
Sur la seconde photo image de ta bibliothèque : deux livres sur Pierre le Grand, Nietzsche, un bouquin de Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin, des Rivages Noir, Henry Kissinger, Salman Rushdie… ta logique de classement des livres, on en parle ou c’est tabou ?
C’est un système extrêmement élaboré mais dont la logique m’échappe encore un peu, je dois dire (bien que je mène l’enquête avec détermination depuis plusieurs années). Ce que j’ai pu remarquer, c’est que dans les piles à lire, les livres ont tendance à avoir une vie propre, faite de petits déplacements successifs dans mes bibliothèques jusqu’à arriver au bon endroit, au bon moment : celui où j’ai envie de les lire.
C’est ainsi que chacun des livres qui arrive chez moi doit faire son petit voyage, parfois très court, parfois bien plus long jusqu’à arriver à son Saint Graal : la bibliothèque des livres lus, où il passera le restant de son existence.
Moi je range mes livres « lus dans des étagères où ils déménagent au moins une fois par an, par la grâce d’une réorganisation régulière des classements (complexes et instables dans le temps). Bien que je n’ai pas déménagé depuis plus de 15 ans, aucun livre lu de l’époque de l’emménagement ne se trouve à la même place.
(Oui, je sais, ce commentaire est parfaitement inutile mais j’avais envie de m’exprimer sur ce sujet sensible.)
Au contraire, mes livres qui attendent sagement dans la bibliothèque des livres lus seront très intéressés de savoir qu’un autre voyage pourrait commencer !
Quels livres ont été présents à ton chevet, ces derniers mois ?
Si on entend par « livre de chevet » un livre que je relis régulièrement et qui me tient compagnie sur le long cours... je n’en n’ai pas tellement, je relis finalement assez peu - à l’exception peut-être du « Journal écrit la nuit » de Gustaw Herling que je rouvre régulièrement pour en lire quelques pages : ce journal étant lui-même très désordonné, parlant de littérature, de peinture, entrecoupées de quelques projets de nouvelles plus ou moins achevées, d’un soupçon de considérations sur la politique, l’histoire ou la religion... il me ressemble finalement assez, ce doit être la raison pour laquelle j’y reviens régulièrement.
En fait non, en parlant du le livre de chevet, ce sont vraiment le ou les livres qui t’ont accompagné ces derniers mois dont je proposais de parler.
Alors, concernant le chevet qui est au pied de mon lit, celui-ci est le plus souvent (mais pas toujours) la dernière étape avant la lecture, et donc une partie intégrante du voyage. On y trouve ici une pile aussi peu classée que les autres : j’ai en ce moment quelques romans (La Route, Le docteur Jivago, La Belle du Caire et Mon Antonia), un essai sur le livre de Job, un autre sur l’œuvre et la vie de Gustav Herling dont je viens de parler, et bien sûr quelques polars.
Sur ce dernier point, je me souviens d’un auteur de romans noirs américain (mais je ne retrouve plus la référence exacte, alors peut être que je l’ai imaginée, va savoir !) expliquant que lorsqu’il était bloqué dans son récit et qu’il ne savait pas trop comment continuer, il faisait entrer quelqu’un dans la pièce avec un révolver : ça décoinçait toujours l’histoire. Je trouve que les polars font exactement cet effet dans une pile de livres à lire : quand je ne sais pas trop quoi lire, j’ouvre un polar et ça relance la machine.
Cette anecdote me sonne vaguement une cloche mais je ne retrouve pas l’auteur. Cela étant, grâce à la large, pour ne pas dire galactique, audience du blog suprême nous aurons certainement la réponse (documentée) par quelques-uns des millions de lecteurs.
Revenons à ta bibliothèque : sur la dernière image que tu m’as envoyée, deux photos de Romain Gary, et j’imagine que ce n’est pas une coïncidence : quelle place tient-il dans tes lectures ?
Je pense que Gary est un des auteurs que j’ai le plus lu, et même relu, et assurément le plus offert.
Au-delà de ses romans, l’écrivain lui-même a une vie incroyablement romanesque, faite de plusieurs vies : une enfance difficile et pauvre, faite d’exils et de migrations, son engagement et son courage pendant la guerre, puis tour à tour diplomate, cinéaste, romancier prolifique, mystificateur littéraire, fils soucieux de rendre fier sa mère, époux... et dans le même temps sa fin tragique rappelle que derrière la flamboyance et la vitalité à toute épreuve qu’il pouvait offrir au monde il y avait une faille, d’autant plus difficile à saisir qu’il a multiplié les fausses pistes, les faux semblants, comme autant de masques, jusqu’au jour tragique où il s’est donné la mort.
Sa vie, autant que son oeuvre, le rend assez insaisissable.
En effet, il n’y a pas de Ajar #monanalyse
Je le lis moins régulièrement depuis quelques années mais, il y a quelques mois, j’avais caressé l’idée d’en reprendre la lecture in extenso, dans l’ordre chronologique ; j’ai toujours l’espoir d’arriver ainsi à le saisir un peu mieux.
Ce n’est pas le moindre mérite de cet interview suprême que de me remettre en mémoire ce projet, et comme c’est la période des bonnes résolutions, en voilà une pour 2025 !
Les mérites de l’interview suprême sont immenses.
Tu as créé un blog, babils.fr, en 2023, époque très tardive pour l’art du blog. Pourquoi ? Qu’est-ce qui t’a conduit à le créer et quelles rencontres a-t-il rendu possibles ?
À vrai dire, j’ai créé mon premier blog bien plus tôt (2002, si j’en crois le formidable "archives.org" !). Grâce à ce premier blog, j’ai pu faire de nombreuses et formidables rencontres, certains sont encore des amis aujourd’hui et une personne en particulier est devenue ma femme, avec qui je vis toujours (même si nous faisons toujours bibliothèque séparée).
Pour babils.fr, j’avais envie de reprendre une activité d’écriture un peu régulière, et j’ai pensé qu’écrire des petits comptes rendus de mes lectures au fil de l’eau était un bon moyen de m’y astreindre, tout en me permettant de me souvenir desdites lectures (je ne sais pas pourquoi, j’ai tendance à oublier assez rapidement ce que je lis).
Je ne sais pas pourquoi non plus mais je partage cette tendance.
Pour y remédier, sur le blog, j’essaie de relater ce qui m’a plu, intéressé ou frappé à la lecture, c’est parfois assez détaillé et travaillé, et parfois je ne suis pas vraiment inspiré, et c’est moins convaincant. Mais, dans l’ensemble, je suis assez content de l’exercice, et ça me plait assez de pouvoir revenir sur des lectures que j’ai fait plus tôt.
Côté rencontres, c’est en revanche un désastre, avec en moyenne 1 ou 2 lecteurs quotidiens (que je soupçonne d’ailleurs d’être régulièrement moi-même) : je crains de n’avoir pas trouvé mon public avec ce projet.
Tout ça va heureusement changer grâce à la portée internationale, pour ne pas dire galactique, du blog suprême.
Tu es le premier à inaugurer la nouvelle formule des interviews du blog suprême, consacrée aux livres et à leurs lectrices et lecteurs. Que penses-tu de cette géniale initiative de Maître Roger et de ce qu’elle apportera de positif au monde ?
C’est une initiative qui me semble essentielle et géniale, et je ne doute pas qu’elle n’apportera que des bonnes choses, surtout au monde en général
Selon toi, qui Maître Roger devrait interviewer après toi ?
Je pense que Maître Roger devrait interviewer : Sophie M, parce qu’elle est une des plus impressionnantes lectrices qu’il m’ait été donné de côtoyer sur les rézosociaux !
Il en sera ainsi, l’impétrante sera informée de sa nomination et invitée à répondre à l’interview suprême, dans le respect de mes non moins suprêmes délais de procrastination.
Parlons encore un peu de moi : depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
Il y a indéniablement plus de sourires, et comme cet interview va m’apporter richesse, gloire et célébrité, tout devrait s’arranger : je devrais pouvoir sereinement m’isoler des malheurs du monde avec une poignée de livres.
Et s’il ne restait donc qu’une poignée de livres à emporter pour s’isoler des malheurs du monde, lesquels emporteras-tu ?
Je crois que j’emporterai surtout des romans classiques, de préférence assez longs, que j’aimerai lire ou relire : La Recherche du temps perdu, Ulysse (celui de Joyce et celui de l’Odyssée), un ou deux romans russes (peut-être Tolstoï et bien évidemment Vassili Grossman).
J’y ajouterai un ou deux grands romans américain (Manhattan Transfer et puis peut-être un livre de McCarthy que je n’ai jamais lu), un roman chinois (Beaux Seins belles fesses que j’ai lu dernièrement, par exemple ?), une pincée de roman japonais (là, j’avoue que je sèche un peu pour en choisir un) et puis enfin, un ou deux romans du monde arabe (Naguib Mahfouz ou bien El Aswany).
Bon, c’est déjà une grosse poignée... et j’espère que j’ai encore un peu de temps avant de partir, parce que ma liste n’est pas encore complètement au point !
Mais enfin, avec ça, je pense que j’ai de quoi faire mon petit tour du monde bien confortablement installé dans mon cottage, le chat sur les genoux, et le chien qui sieste devant la cheminée.
Bien évidemment, la liste comprendra également quelques polars et romans noirs de bonne facture afin de permettre à de sombres personnages d’entrer par effraction avec un révolver en cas de petit moment d’ennui.
(À ce propos, je souhaite profiter de la formidable audience apportée par cet interview suprême pour signaler le site fivebooks.com qui est une formidable mine à idée lorsqu’on cherche à trouver des livres.
Le site propose une quantité phénoménale d’interviews où les personnes interrogées proposent leurs 5 livres préférés dans leur domaine d’expertise, qui peut aller du roman classique d’un pays particulier, de périodes de l’histoire, contemporaine ou lointaine, ou encore pour apprendre à programmer l’intelligence artificielle d’un python)
(Heureux python #monanalyse)
Et pour finir : où t’isolerais-tu pour lire loin des malheurs du monde ?
Je rêve d’une petite maison en pierre dans la campagne anglaise, près de la mer pour pouvoir aller me promener et profiter des embruns, avec un petit jardin raisonnable et des voisins pas trop proches.
C'était l'interview de Babils (@babils1.bsky.social)
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