En voici des bibliothèques toutes bien rangées qui font plaisir à voir pour le psychorigide suprême qui accueille donc avec joie et admiration Céleste Bonnamy, qui a pris le temps quelque part entre Bruxelles et l'Italie de répondre aux suprêmes questions.
#monanalyse
le 4 MARS 2025,
L'interview de Céleste Bonnamy (@celestebny.bsky.social)
Bonjour Céleste, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Bonjour, qui suis-je ? Vaste question, à laquelle je vais répondre de manière très originale par ma profession : je suis enseignante-chercheuse en science politique, et j’ai beaucoup travaillé sur les politiques du droit d’auteur et sur l’Union européenne.
Où vais-je ? Parfois à Lille, parfois à Bruxelles, parfois en Italie.
Il y a une raison particulière pour l’Italie ?... (… si je ne suis pas indiscret, bien sûr, mais les millions de lectrices et lecteurs du blog suprême ont le droit de savoir)
J’ai habité un an à Rome ! Même si les Flandres restent mon ancrage premier, j’aspire à retourner en Italie dès que l’occasion se présente.
Je contemple les photos que tu m’as envoyées : des étagères bien rangées, des livres par ordre alphabétique d’auteurs : c’est vital, pour toi, le classement des livres ?
Oh oui. Je crois que je classe mes livres depuis que je sais lire. Enfant je me rappelle avoir eu une période classement par maison d’édition (qui se limitait en gros à séparer les folio junior des école des loisirs). Maintenant c’est ordre alphabétique, séparation entre les livres lus / les non lus / les livres de SHS / les bédés / les essais féministes. Je suis en pleine réflexion sur la création d’un rayon SF/fantasy. J’ai dû être libraire dans une autre vie.
Ah mais oui, là tu viens de réveiller de vieux souvenirs oubliés, ceux où je séparais doctement la bibliothèque rose de la verte, avant de céder ladite rose pour montrer que j’étais définitivement un grand.
Première image, et déjà nous sommes confrontés à la question quasi récurrente de cette nouvelle saison des interviews du blog suprême : je vois les 3 tomes de Vernon Subutex. J’en conclus brillamment tu ne les as pas jetés par la fenêtre comme Lola Bertet. Ça s’est passé comment, pour toi, cette lecture ?
Haha, oui, d’ailleurs va falloir qu’on en parle avec Lola tiens.
Moi j’ai adoré, surtout les deux premiers tomes. Ma lecture commence à remonter, je les ai lu il y a dix ans, mais j’ai souvenir d’avoir été marquée par la construction assez fine des personnages. C’était ma découverte de Despentes, enfin pour l’instant j’ai juste lu King Kong Theorie, mais j’ai récemment mis la main sur Bye Bye Blondie dans une libraire d’occasion. J’ai un peu peur de lire le reste assez bizarrement.
Je crois qu’une majorité se dégage pour globalement avoir apprécié les deux premiers, et beaucoup moins le troisième. Une espèce de littérature à four tombant, comme diraient les pâtissiers bordelais (le four tombant étant le secret du canelé réussi).
King King Théorie, bien sûr. Bye Bye Blondie aussi (je l’ai lu à sa sortie, ça nous rajeunit pas). Et aussi les indispensables Baise-moi et Chiennes savantes. Toute une époque dont il ne faut pas avoir peur, je crois.
Très bien, je vais me lancer alors.
Bon et j’ai aussi ce truc : quand j’ai un coup de cœur pour un auteur, j’essaye de ne pas tout lire d’une traite, pour me laisser le plaisir de la découverte sur plusieurs années voire décennies !
(Je me retiens très fort d’acheter le dernier Lola Lafon là par exemple).
Autre triptyque dans ta bibliothèque : 1Q84. Or, je ne vois pas d’autres Murakami. Tu n’as pas accroché au point de lire tout Murakami ou bien ?
Alors je crois que c’est comme pour Vernon Subutex, j’ai tellement aimé que j’ai peur de lire le reste. J’ai tellement entendu dire que c’était les meilleurs Murakami que je ne me suis pas lancée. Je devrais ?
Loin de moi d’être prescripteur. Mais quand je t’aurai dit que, après avoir fini 1Q84 (en 2013), je me suis précipité sur tous les Murakami. Oui il y en a des moins bien, et oui il y en a des extraordinaires, en tout cas pour moi. L’incolore Tsukuru et ses années de pèlerinage, Chroniques de l’oiseau à ressort, Kafka sur le rivage, Le meurtre du Commandeur... enfin bref, s’il réécrit les feues pages jaunes sur papier, je le lirai aussi.
Parlons maintenant d’un livre que j’ai manqué de jeter par la fenêtre, moi, c’est Cent ans de solitude. Je me suis emmerdé puissance l’infini. Pas toi ?
C’est un de mes livres préférés... Pareil, je l’ai lu il y a 10-12 ans, mais je m’en rappelle comme si c’était hier. Tout m’a transportée, la langue, l’histoire... Après j’ai une passion pour les romans fresques, qui se passent sur plusieurs générations.
Et il faut croire que j’aime le réalisme magique. Je ne l’ai jamais relu, à voir ce que j’en penserais aujourd’hui.
J’aime bien le genre fresque, enfin je crois, enfin là hormis les 20 premières pages et 20 dernières, je me suis emmerdé vraiment trop. Mauvais timing de lecture, je suppose.
Je disais en première impression que tes livres sont bien rangés… et puis voilà que là on repart de la lettre A, qu’il y a un Elena Ferrante alors que L’Amie prodigieuse était dans la photo précédente (pareil pour Flaubert, j’ai vérifié) : des explications à ce désordre dans l’ordre apparent ?
Et bien je te renvoie à ma réponse précédente : tout cela est minutieusement pensé.
La photo 2, c’est tous les livres que je n’ai pas encore lus ! Comme ça quand je veux choisir ma nouvelle lecture, ils sont tous sous mes yeux. Et aussi, quand je veux m’acheter des nouveaux livres, ça me fait une petite piqure de rappel que j’ai tout ça qui m’attend, dont certains depuis plusieurs années.
Tout s’explique 🤗
Robin Hobb : là j’ai l’impression que tu es fan. J’ai bon ?
J’aime beaucoup la fantasy d’une manière générale (surtout l’hiver). Et j’ai totalement accroché à l’Assassin Royal de Robin Hobb, même si j’ai fait l’erreur de m’arrêter au tome 5 ou 6, pour éviter l’overdose, résultat, j’ai jamais repris, et je ne sais plus où j’en suis (et mon classement minutieux lus/non lus a été mis à mal par mes déménagements, résultat je suis perdue).
Mais quand j’ai trouvé l’intégrale des Aventuriers de la mer en chinant dans une librairie d’occasion (qui sont légion à Bruxelles), je ne me suis pas privée. Je ne sais pas encore quand est-ce que je vais me lancer dans cette lecture cela dit.
Tu as déjà une idée de quelles devraient être les conditions pour que cette lecture ait lieu de manière optimale ?
Alors pour moi c’est clairement une lecture de mois de janvier, quand les jours sont courts et que j’ai aucune envie de sortir. Mon mois de janvier 2025 a déjà été pris par la lecture du Prieuré de l’oranger de Samantha Shannon, et comme j’aime alterner les genres pour ne pas risquer l’overdose, Robin Hobb ce sera pour janvier 2026.
Et d’ailleurs, est-ce qu’il y a un genre littéraire qui te redonne l’énergie de lire quand tu es au creux de la vague de ta vie de lectrice ?
L’autofiction et plus généralement la littérature contemporaine française. Un Annie Ernaux ou un Lola Lafon et hop, ça repart.
Ah. Je concède que ça change des réponses fréquentes sur le rôle des polars (qui marchent très bien pour moi, d’ailleurs).
J’avoue que c’est un genre que je ne lis quasiment plus, ça reviendra peut-être un jour.
J’ai lu récemment Le Monde d’hier de Zweig et juste avant Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon, et tout ça n’avait pas arrangé ma dépression automnale, aggravée par la réélection de Tump. Comment tu as fait pour remonter la pente après ces lectures ?
Alors Le Monde d’hier je ne l’ai toujours pas lu... (trois ans qu’il prend la poussière...).
Et Quand tu écouteras cette chanson, c’est le dernier livre que j’ai terminé, pas plus tard que la semaine dernière.
Bon effectivement, j’ai fini en larmes. Là, je remonte la ponte avec un Emmanuelle Bayamack-Tam, qui n’est pas non plus l’autrice la plus joyeuse, mais dont la plume est si drôle ! En général, j’enchaîne les lectures déprimantes (j’avais fait un bel enchainement Le consentement - La familia Grande - La supplication il y a quelques années, à ne pas reproduire chez vous), et après je lis un roman de fantasy pour m’échapper complètement du monde réel et remettre les compteurs à zéro.
Là, j’ai l’impression qu’on passe à la bibliothèque professionnelle. Subséquemment, puis-je déduire que tes sujets de recherches passés ou présents concernent la littérature et les écrivains ? Ou bien les réseaux dits sociaux ?
Effectivement, c’est ma bibliothèque de SHS, où se mélangent lectures pro, et lectures « plaisir - je me tiens informée de l’état de mon champ disciplinaire ».
J’ai commencé par travailler sur la sociologie des professions artistiques, et j’ai fait ma thèse sur la politique européenne du droit d’auteur. Et maintenant je travaille plus sur la fabrique des politiques de régulation du numérique - mais les questions de propriété littéraire et artistiques finissent toujours par me rattraper, c’est un gros enjeu de l’intelligence artificielle par exemple.
J’en profite pour recommander la lecture du Capitalisme de surveillance aux millions de lectrices et lecteurs du blog suprême, surtout par les temps de trumpomuskisme qui courent. Tu approuves cette recommandation ?
À 200%. C’est un gros bouquin, mais c’est une écriture très accessible et agréable (en plus de porter sur un des sujets les plus importants de ce monde déprimant).
C’est beau, cette convergence de nos lectures respectives de ce bouquin. J’espère que les millions de lectrices et lecteurs du blog suprême suivront notre recommandation.
« Viva la teta », on en parle ou c’est tabou ?
Haha, souvenir ramené de Séville, rien de bien intéressant à ajouter.
Je comprends, ce qui se passe à Séville reste à Séville (et globalement pareil pour plein de villes : Niort, Angoulême, Toulouse, Créteil...)
La partition en bas : tu chantes ou tu accompagnes ? Bon en même temps il y a à côté des partitions de concerto de Beethoven et de clavier bien tempéré de Bach juste à côté… c’est peut-être un indice…
Vestige de mes années de piano - je joue pour mon propre plaisir (au détriment de mes voisins), Beethoven c’est pour faire genre, en vrai je joue surtout du Juliette Armanet...
[question promotionnelle]
En voyant ta bibliothèque, j’ai pensé à l’autre site dont je suis le créateur sur les internets : Meet in books.
Penses-tu comme moi que les livres sont une formidable manière de rencontrer les gens ?
De rencontrer je ne sais pas, mais de se connecter oui clairement. Se recommander des lectures, se découvrir une passion commune pour une autrice ou un genre littéraire, je crois que c’est comme ça que beaucoup de mes connaissances sont devenus mes amis. Après ça marche pour plein d’autres choses, le sport, la musique, le cinéma, la cuisine...
Bon, c’est aussi très socialement situé hein, les goûts et les dégoûts.
J’ai lu en fin d’année le bouquin de Marie Bergstrom qui explique comment même les sites de rencontres ne nous permettent pas d’échapper à notre situation sociale... (en gros et avec plus de pertinence et d’argumentation que mon présent résumé indigent)
C’est Lola Bertet qui avait proposé que tu sois interviewée dans le blog suprême après elle ; quels ont été tes sentiments quand tu as appris cette merveilleuse nouvelle ?
L’honneur bien évidemment hahaha. Et le plaisir de découvrir les réponses de Lola !
C’est maintenant à toi d’être soumise à LA question : qui Maître Roger devra-t-il interviewer après toi ?
Mmmm, alors je pense à ma collègue Lola Avril, chercheuse et chroniqueuse radio hors pair, qui partage toujours ses dernières lectures avec beaucoup de passion.
Il en sera ainsi (dès que j’aurai trouvé où contacter l’impétrante : BlueSky ? Instagram ?)
Et sinon, tu as des copines qui ne s’appellent pas Lola ou bien ?
Tu la trouveras sur Bluesky ! Et oui, beaucoup de Lola dans ma vie, je me suis dit que ça faisait une belle boucle.
En effet, pour le moment c’est joliment parti.
Depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
Et bien ça a réouvert le champ des possibles du classement de ma bibliothèque et me motive à enfin aller acheter les bibliothèques supplémentaires qui me manquent pour ranger mes bouquins qui dorment encore dans des cartons faute de place.
Heureuses bibliothèques supplémentaires #monanalyse
S’il ne restait qu’une poignée de bouquins à (re)lire en attendant la fin du monde, lesquels choisirais-tu ?
Tous les Goliarda Sapienza, tous les Harry Potter, tous les Lola Lafon, tous les Ursula Le Guin bon, et ce serait peut-être le moment d’enfin terminer l’Assassin Royal.
Et où irais-tu les (re)lire pour patienter jusqu’à ladite fin du monde ?
Quelque part en Italie.
C'était l'interview de Céleste Bonnamy
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