Chaleureusement recommandée par ses acolytes du blog « Étudier en droit », Eloevem a interrompu une de ses promenades suédoises pour répondre aux questions de Maître Roger, dont les affinités électives avec la chose suédoise, surtout roulante, n’est plus à prouver.
#monanalyse
le 23 JANVIER 2022,
L'interview de Eloevem (@Eloevem)
Bonjour Eloevem, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Hello, je suis Eloevem d’après Twitter. C’est compliqué de se présenter sans donner trop d’informations personnelles mais je suis française, j’ai 23 ans, j’ai fait mes études de droit en France puis je me suis rendu compte que je n’étais pas capable de vivre là-bas.
Je suis venue finir mes études en Suède et j’ai décidé d’y rester. Je suis quelqu’un de calme et j’ai besoin de calme pour me sentir heureuse : j’aime lire, écrire, et traverser Stockholm à pied de long en large avec de la musique sur les oreilles.
Quant à la question de savoir où je vais, rien n’est encore fixé donc je ne veux pas me porter malchance en en parlant trop tôt mais un déménagement est en préparation (en Suède toujours, je me suis trop battue pour pouvoir rester pour partir aussi vite).
Tu es étudiante en droit, actuellement en LLM d’après ta bio Instagram, et INTJ d’après ta bio Twitter : c’est quoi ces choses ?
C’est pas à jour. Je ne suis plus étudiante.
J’ai trouvé un travail depuis et il est hors de question que je reprenne des études maintenant : j’ai besoin de me poser et de passer à autre chose. J’ai toujours été dans des cursus hyper prenants et exigeants et le covid a fini de me dégouter de tout ça.
Après, pourquoi pas passer la formation qui permet d’avoir l’équivalence pour être avocat en Suède d’ici cinq ou dix ans, quand j’aurai le Suédois courant et que j’aurai envie d’essayer autre chose, mais ce n’est clairement pas à l’ordre du jour.
Sur Twitter, tu t’affirmes « haute patate immigrée dans le nord aspirant à une vie de vache paisible» : peux-tu nous en dire plus sur tes ambitions dans la vie ?
Pour la petite histoire / traduction : haute-patate c’est le nom donné aux habitants de mon département d’origine par les autres habitants de la région. Et comme j’adore les patates, je trouve ça très flatteur donc j’affiche fièrement mes origines.
Immigrée dans le nord : bon ça je pense que ça coule de source.
« Aspirant à une vie de vache paisible » : ça c’est en référence à un drama comme seul Twitter sait en produire où une personne avait tranquillement affirmée que les jeunes qui avaient l’audace de demander le respect de leur vie privée à côté de leur travail étaient des feignants aspirant à une vie de vache paisible.
Personnellement, le but ultime de ma vie c’est trouver un équilibre : entre ma vie pro et ma vie perso, entre ma zone de confort et la nécessité de grandir en me mettant en difficulté sur de nouveaux domaines, entre ma vie sociale et le besoin de me ressourcer en étant seule, etc.
C’est ma définition du bonheur.
Ça ne veut pas dire que je mets le pro au second plan, ça veut dire que je veux que ma vie personnelle ait autant d’importance et soit traitée avec respect. Quand je suis au travail, je suis toujours très impliquée dans ce que je fais et je ferai toujours ce qui doit être fait. Mais quand j’ai passé la porte du bureau, il me reste encore pleins de choses à faire : j’ai besoin de me reposer, de travailler mon suédois, de parler avec mes amis, d’aller faire du sport, de me vider l’esprit en lisant un livre, de découvrir un nouveau quartier... Et tout ça, c’est aussi important à mes yeux, et je veux que ce soit respecté.
Donc j’assume pleinement le fait d’avoir, aux yeux de cette personne, l’aspiration d’une vie de vache paisible. Et puis ça me rappelle le village où j’ai grandi et ma région d’origine comme ça.
Tu es sur Twitter depuis août 2019 : tu étais où, avant ?
J’étais sur Twitter, sur un autre compte.
En fait, comme beaucoup de personnes sous pseudo, j’ai eu la joie de voir mon compte balancé à mon « entourage » et je n’ai pas eu à attendre pour que certains commencent à faire pression sur moi ou venir chercher la petite bête dans la moindre chose que je disais pour créer des dramas. Au final, je ne me sentais plus à l’aise sur mon propre compte, je n’osais plus rien dire et j’ai décidé de le fermer.
J’essaie toujours de garder une distance entre mon Twitter et mes connaissances IRL. Par principe, je ne donne pas mon @ aux personnes que j’ai rencontrées en dehors de twitter, ça pose déjà une première barrière. Si ces personnes me trouvent sur Twitter et viennent me parler, je continue la conversation hors twitter et j’échange le moins possible avec elles sur ce réseau. Ici, je suis sous pseudo, et si elles m’ont rencontré IRL, elles ne m’ont pas rencontré sous pseudo, et je tiens vraiment à cette distinction. C’est une protection pour moi. Après, bien sûr, j’ai mes exceptions, mais le but de tout ça c’est d’être à l’aise sur mon compte.
Qu’est-ce que Twitter a rendu possible dans ta vie dite « IRL » qui n’aurait pas été possible selon toi sans Twitter ?
Twitter m’a permis de trouver mon premier stage juridique en L3 ! Il m’a aussi permis de rencontrer des personnes incroyables que je n’aurais jamais rencontré autrement : Khiox, Camcam et Petite Préfète pour ne citer qu’eux (qui se feront les fiers représentants de tous ceux que je ne cite pas pour ne pas faire de jaloux en en oubliant).
Pourquoi ton compte IG n’a plus de nouvelle photo depuis un an ?
Parce qu’il y a un an, on était autour de novembre 2021, et c’est à cette période que mon projet d’installation ici a pris une tout autre tournure. C’est à dire que de « j’aimerais bien rester ici » je suis passé à « j’ai l’opportunité de rester ici et pour que ça marche, il va falloir que je m’y consacre à 100% ».
Et c’est ce que j’ai fait : j’ai mis toutes mes forces dans la concrétisation de ce projet, parce que c’est toujours le début qui est le plus difficile. Concrètement, il y a des paliers à passer et j’étais en train de vivre le plus important parce que je posais les fondations de mon projet : c’est-à-dire travailler le plus possible pour avoir assez d’argent pour rester, apprendre le suédois, essayer de comprendre l’administration et comment ça marche (vous voyez comment c’est galère de parler avec l’administration française ? Ben maintenant imaginez tout pareil, sauf que vous êtes dans un pays qui n’est pas le vôtre, où vous parlez pas la langue et où vous n’avez pas de numéro d’identification qui vous permet d’entrer dans le système, le fameux Personnumer, j’en reparlerai]).
Ça m’a pris toute l’énergie que j’avais et je me suis simplement recentrée sur moi et ce but en mettant de côté tout ce qui était accessoire à ça. (Et puis je postais beaucoup plus de photos sur mon IG perso aussi).
C’est bien la Suède, pour y vivre ?
Je pourrai en parler des heures, donc je vais essayer de condenser. Pour moi, faire le choix de vivre en Suède a été le meilleur choix de ma vie, parce que je me retrouve énormément dans ce pays, parce que j’ai l’impression d’être à ma place et que mon caractère correspond au caractère suédois.
Je trouve la qualité de vie exceptionnelle : depuis le centre de Stockholm je peux décider d’aller à la plage ou dans une forêt, il y a énormément de réserves naturelles, j’aime beaucoup le fait que la vie soit hyper cyclique et rythmée par les saisons (la Suède l’hiver et la Suède l’été ce sont deux pays complètement différents). J’ai accès à une vie culturelle hyper intéressante, j’ai des dizaines de musées sous la main, autant d’opportunités pour faire du sport, je peux facilement rencontrer du monde si j’en ai envie et que je fais l’effort, etc.
Mais j’ai aussi connu beaucoup de personnes déçues ou qui ont fait demi-tour après quelques mois ici ou un premier hiver, souvent parce que c’étaient des personnes qui s’attendaient à trouver en Suède la réponse à tous leurs problèmes et vivre au pays des Bisounours et c’est très loin d’être le cas.
Je pense qu’un projet de déménagement ici doit être mûrement réfléchi, qu’il faut venir sur place voir comment on vit réellement, qu’il faut comprendre que le système administratif sera hyper discriminant et excluant tant que vous n’aurez pas réussi à vous installer administrativement ici (et que ce n’est pas facile à faire, ça m’a pris un an et demi), que pour trouver du travail il faut parler suédois et ne pas s’attendre à ce qu’en arrivant comme une fleur avec notre anglais de français on nous offre un CDI de rêve et une villa avec vue sur la mer.
Il faut aussi comprendre que le climat est un vrai facteur à prendre en compte, qu’énormément d’étrangers comme moi que je connais ont des problèmes de sommeil (en hiver, le Soleil peut se coucher à 14h30 mais en été, il va se coucher à 1h du mat, le corps il a du mal à comprendre le délire je vous promets). Et puis la vie est chère ici, et il y a une crise des logements à Stockholm.
Bref, aucun problème n’est insurmontable, mais pour vraiment vivre un rêve suédois, il faut venir préparé et en connaissance de cause.
Ton interview a été recommandée par @Khioxyz qui t’a désignée comme « la personne la plus intéressante sur ce réseau »…
Il faut que l’on parle de Khiox, puisque j’ai un espace pour en parler. Khiox est l’une des personnes avec qui j’ai l’une des plus belles relations de ma vie et l’ami le plus précieux que je me suis fait sur internet. Il est la seule raison pour laquelle je ne peux pas dire à 100% que rien de ce qui ne se passe derrière un écran n’est vrai. Lui, petite préfète et Camcam ont été mes piliers pendant le confinement qui a été le pire traumatisme de ma vie et j’ai la conviction qu’ils m’ont sauvé la vie.
Khiox est intelligent, dévoué, attentionné, maladroit aussi parfois, et il dit souvent beaucoup de bêtises, comme la phrase précitée, mais il est l’une des raisons qui font que je suis encore sur Twitter aujourd’hui.
Es-tu d’accord avec lui ?
Bien sûr que non ahah ! Après il y a pleins de sujets sur lesquels nous sommes en désaccord, mais on a le mérite de réussir à en parler -presque- calmement.
Ton interview a aussi été recommandée par @petite_prefete et par @BabyJuriste (parmi une vingtaine d’autres, dans ce dernier cas) : quel effet ça fait d’être déjà une star avant même l’interview dans le blog suprême ?
Ahah disons que ça change de mon quotidien ici où non seulement personne ne me connait mais en plus personne n’arrive à prononcer mon nom ! Et @BabyJuriste a toujours eu un petit problème avec les consignes trop restrictives pour elle ahah
« Petit problème » ? Qu’est-ce que ça serait si c’était un grand problème…
Est-ce que tu contribues toujours au blog etudierendroit.fr et quelle y est ta contribution ?
Malheureusement comme expliqué plus haut, ça fait un an que j’ai la tête dans le guidon avec cette histoire d’installation à l’étranger et j’ai mis beaucoup de choses sur pause. Après, comme les copains, je ne perds pas de vue l’objectif de m’y remettre !
Comment expliques-tu que tu ne followes pas @maitreroger alors qu’il roule en Volvo, gage de qualité s’il en est, et que tu es interviewée dans le blog suprême ?
Je croyais sincèrement que c’était le cas, puisque je voyais défiler toutes les interviews dans ma TL ahah. Maladresse résolue en tout cas après un examen minutieux de la TL (mème de chat dès le deuxième tweet, ça mérite un follow)
Tu n’ignores pas que la publication de ton interview va provoquer un tsunami dans ta vie, tes fans se compteront par milliers et te suivront partout. Es-tu prête au grand saut dans le monde mystérieux des stars ?
Si ça devient hors de contrôle j’instaurerais une règle : je distribuerai des autographes uniquement à ceux qui me le demanderont en suédois.
Kan jag få en autograf?
Où souhaites-tu que Maître Roger t’invite à dîner quand tu seras une star ?
Alors pas en Suède déjà parce que j’ai beau aimer ce pays de tout mon cœur la cuisine c’est pas possible du tout, c’est à croire que le froid leur a atrophié le palais. À part ça, je ne suis pas du tout difficile, il suffit juste que ce soit végétarien et je suis contente.
Ça doit pouvoir se trouver.
Hormis les questions sublimes de Maître Roger, qu’as-tu lu de particulièrement marquant ces derniers temps ?
Alors ma règle c’est que je lis toujours trois livres : un en français, un en anglais et un en suédois. En ce moment, en français je lis « Le livre de maître Mô » que BabyJuriste m’avait offert et que je n’ai pu ramener en Suède que très récemment.
En anglais, je lis un livre sur les contes et légendes du monde, et en Suédois, je lis « Mio min Moi » d’Astrid Lindgren (l’auteure de Fifi Brindacier).
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
La playlist que j’écoute quand j’écris, remplie de musiques de Thomas Bergensen (dont mes préférées Children of the Sun et Empire of Angels), l’album Elysium de Jo Blankenburg et d’autres musiques comme Sinner & Saint (Tommee Profitt) ou qui n’ont rien à voir avec cet univers : Battle Scars (Paradise Fears), Freaks (Jordan Clarke), Babylon (5SOS), Appalachian Wine (eleventyseven) ou encore L’enfer de Stromae que je trouve très belle.
Je ne connais aucun de ces gens, j’ai l’impression de vivre dans un monde parallèle.
Quelle image choisis-tu pour illustrer ton interview ?
Assez naturellement je choisis une imagine de Stockholm. Parce que peu importe où j’irai en Suède, où je réussirai à m’installer, tout a commencé ici.
Et les aurores polaires dans tout ça ?
Elles font partie intégrante de l’expérience suédoise, c’est sûr. J’ai eu la chance d’en voir plusieurs fois depuis mon arrivée et j’ai écrit un thread dessus il y a quelques jours.
⬇️Thread aurores boréales : ce qu'elles font aux gens ⬇️ pic.twitter.com/7UBDrk5yOy
— Sacripan RESIDENTE SUEDOISE 🇪🇺💉💉💉 (@Eloevem) January 16, 2022
C’est une expérience, autant individuelle que collective. On ne revient jamais perdant d’une chasse aux aurores : on revient soit avec des étoiles dans les yeux d’avoir assisté à un phénomène naturel brut et magnifique, en ayant vécu un moment de communion rare, soit avec des étoiles dans les yeux d’avoir pris le temps de s’assoir et de regarder le ciel.
On aura peut-être vu une ou deux étoiles filantes dans le même temps, on aura cherché les constellations, on aura apprécier le silence, et on repartira avec un espoir encore plus grand de les voir le lendemain.
C'était l'interview de Eloevem (@Eloevem)
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