Emmanuel Talayrach est un twittos, inscrit depuis juin 2011, ce qui ne nous rajeunit pas, qui a commis depuis 116,8 Ktweets, ce qui est beaucoup, et dont la bio indique en date de publication de cette interview : Ils sauront [tu sauras] se frayer [tu sauras] un chemin [tu le sais]. 29029
#monanalyse
le 12 AVRIL 2021,
L'interview de Emmanuel Talayrach (@ManYouTopie)
C’est souvent difficile d’expliquer aux gens qui ne sont pas sur Twitter ce que nous autres, vulgus pecum, vivons sur le réseau social à l’oiseau bleu. Qui sont ces gens avec qui tu tweetes ? Que racontez-vous donc ? A quoi ça sert ? Tant de questions et si peu de réponses...
Alors pour mieux comprendre ce que tweeter veut dire, il m’a semblé important, pour ne pas dire suprême, d’interroger aussi de simples Twittos (comme on dit), qui n’ont d’autre distinction que de se distinguer par leurs tweets. Ce qui est déjà beaucoup. L’Histoire des internets retiendra, pour la postérité, qu’Emmanuel Talayrach (@ManYouTopie) aura été le premier à se livrer à ce délicat exercice.
Peux-tu te présenter à nos millions de lecteurs impatients de te connaître en une métaphore et un oxymore ?
Je suis un voyageur en suspens, sans gare, sans train à prendre. J’attends et j’aimerais. L’enfant que j’étais, toujours prégnant, est devenu un ange déçu. L’espoir est de plus en plus douloureux. Je suis un optimiste désenchanté — mais je chante...seul.
Ton @ sur Twitter est @ManYouTopie ; que cela signifie-t-il ?
Le lieu de Manu ? Le lieu de toi, homme ? Homme tu lieu ? Le lieu de l’homme toi ? de l’homme tu ?... Qu’est-ce que j’en sais ?!... On m’appelait et on m’appelle encore souvent Manu — un Emmanuel non-président qui accepte en bon prince, tel un roi, qu’on le raccourcisse. Un ami anglais prononçait « Maniou « et c’est ce qui a donné le « ManYou « de mon @. Un autre pote écourtait ce « Manu « en « Man « et, en grand fan de Zappa, me hélait régulièrement par le titre d’un album du guitariste, « The Man from Utopia « (Youtopia). C’est en repensant à ces deux anecdotes que ManYouTopie est né.
Et ton pseudo “Emmanuel Talayrach”, que signifie-t-il ? Pseudo ou vraie identité, d’ailleurs ?
« Emmanuel « signifie « je est... (euh pardon) ... Dieu est parmi vous... (euh) ... nous «, « Dieu est parmi nous «, voilà. Quant à « Talayrach «, on n’a jamais vraiment su ce que ce nom venu peut-être du celtique sud de l’Allemagne mais connu et établi depuis plus de cinq siècles dans l’Aude puis le Roussillon voulait dire. Car oui, il s’agit de ma véritable identité.
Bravo, c’est très disruptif, ça, de tweeter sous ton identité réelle dans ce monde où règne le pseudonymat…
Et ta PP, on en parle ou c’est tabou ?
Parles-en !
Elle m’évoque Rembrandt, hasard ou coïncidence, je suppose. J’a d’ailleurs fait une recherche image avec ta PP sur Google et constaté que le premier lien est un site nommé « Air Design Group ». Quel est ton rapport intime à la chose capillaire ?
Je suis toujours sous mes cheveux, c’est le seul rapport intime que j’ai avec eux.
Ton premier tweet est d’une sobriété exemplaire : « coucou » ; quel était le sens de cette interpellation ? Quel écho a-t-elle rencontré ?
Twitter était le premier réseau social que j’abordais et les internets m’étaient pour ainsi dire inconnus à l’époque. Ne sachant pas ce qu’il fallait faire là, je voulais sûrement créer du lien sans m’attacher, comme le volatile qui, du haut de son grand chêne, répond au hibou — qui doit s’en foutre puisque, comme chacun sait, hibou de tout seul dans son coin. (Oui, j’aime les capillotractages. Peut-être est-ce la chose capillaire qui m’intime...) Et ça n’a pas fonctionné. Aucun écho. Rien. Et surtout pas le houhou d’un hibou donc.
Que s’était-il passé ce 31 juillet 2011 à 17h qui t’a amené à écrire ce premier tweet ?
Je ne sais plus... J’étais inscrit depuis juin, quand même. Et je n’avais pas encore tweeté. Un moment de lassitude, sûrement. Un aquoibonisme profond face à l’extrême urgence de la complexité des nouvelles interactions sociales, voire sociétales, qui exprimaient déjà à l’époque le trop-plein de l’égarement auquel ne semblait plus pouvoir échapper l’être humain en quête d’un autre de lui-même plus plaisant et inattendu que celui qu’il pratiquait jusqu’alors et qui devenait insipide... Je ne sais plus, donc. (Oui, j’aime aussi dire n’importe quoi.)
Ton meilleur tweet date du 28 septembre 2020 ; que nous apprend-il sur ta ligne éditoriale ?
Mon boulanger m’a servi le pain dans cet emballage. pic.twitter.com/rHWhVGPL8t
— Emmanuel Talayrach (@ManYouTopie) September 28, 2020
Non, mon meilleur tweet, en nombre de retweets et de favoris, date du 15 novembre 2014 à 9h28. Celui auquel tu te réfères, s’il s’agit de celui auquel je pense, a été très favorisé mais pas retweeté tant que ça. Bref, cela nous apprend que ma ligne éditoriale, en dehors du fait qu’il n’y en a pas, est la suivante :
« Un très bon tweet tous les 6 ans. Rien que du bon en l’attendant. »
Twitter, la dure école de l'avis.
— Emmanuel Talayrach (@ManYouTopie) November 15, 2014
[Note du blogueur suprême : sur le Twitter, ce tweet est affiché avec 582 RT mais ici avec 41 seulement...]
Cette question est l’occasion de se rendre compte qu’il y a un gros bug dans les résultats de la recherche avancée de Twitter avec le critère du nombre minimal de retweet ; on ne peut plus compter sur Twitter, cette découverte est perturbante.
Bref, reprenons.
A quoi ressemble la journée type d’un twittos tel que toi ?
Je me lève, je me bouscule, je ne me réveille pas, comme d’habitude. Puis, j’emmène les enfants à leurs écoles respectives. Je récupère ma fille pour le déjeuner (le protocole sanitaire me paraît léger dans les cantines), je la redépose à son I.M.E. pour l’après-midi et je récupère mes deux enfants à partir de 16 h. Entre ces allers-retours, j’ai une heure et demie le matin et le même laps de temps l’après-midi pour faire des trucs pour moi, un peu de musique, un peu d’entretien physique, des mails, du jardinage, des courses, des bricoles. Et à partir de 15 h 30 (l’école de ma fille est un peu loin), je suis à mes enfants : goûter, douches, devoirs, jeux, déconne, engueulades et préparation du repas du soir en attendant ma compagne qui rentre vers 20 h. Après, vers 21 h quand les mômes sont couchés, téloche en fond sonore ou en surface visuelle, échanges avant l’endormissement de ma belle, grignotage, twittance, glandouille fatiguée jusqu’à 1 h du matin. Regrets du pas mieux. Espoirs à rude épreuve. Mythomanies d’avant rêve. Et puis, étreindre une larme ou libérer un sourire. Embrasser l’espace et cueillir des étoiles. Introspections soucieuses au goût d’un éternel retour des mêmes... Bref, rien de passionnant.
Même si on est d’accord que c’est pas la taille qui compte, comment te considères-tu dans l’espace métrique des twittos avec tes 1.376 followers ?
J’ai mal négocié mon twitter. 1,87 m, ça rapproche des étoiles et des nuages, là où on attend. Sur la touitte, il faut s’imposer (ce n’est pas mon fort), « déhémiser » beaucoup (j’échange peu en DM), quémander (je ne sais pas le faire), montrer son domaine d’excellence (je n’en ai pas). On rêve Twitter d’une manière, il se montre cru, cruel ou crucifié, crucial ou cruche. Mes followers sont de qualité ; au moins de celle dont ils ont fait montre en décidant de me suivre.
Depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
Ma vie qui se perdait dans les affres de la morosité grise d’une ennuyeuse uniformité monotone s’en est trouvée changée. Le bonheur de lire tes analyses toujours impeccables, la joie provoquée par tes considérations originales et somme toute universelles, la rigueur incomparable de ton inlassable labeur à œuvrer pour que l’humanité soit méritoire, elle qui pouvait paraître bien usée, tout cela contribue à me faire accepter de patienter encore un peu sur cette terre des humbles.
Qu’il en soit ainsi pour encore de nombreuses années !
Tu ne peux pas ignorer que ton interview va furieusement augmenter ta popularité, les filles seront nues, elles se jetteront sur toi en DM ; es-tu prêt à cette nouvelle vie ?
Je n’attendais que cela — et je te remercie d’avance de me l’offrir. Je n’attendais que cette nouvelle vie qui point déjà à l’orée de mes cils songeurs, ce nouveau départ sur les ailes endiablées des amours orgiaques d’une idolâtrie sans faille. Merci. Encore, merci !
Où préconises-tu que nous allions prendre un verre pour fêter le futur troisième déconfinement ?
Alors là, tu me poses une colle !... Ça fait longtemps que je ne sors plus et que je ne bois plus que chez des amis. Ou dans mon jardin, avec ou sans eux. Je ne pourrais donc que préconiser leur chez eux ou mon chez moi. (Mais je ne sais pas si je suis encore un bon accompagnateur pour une prise de verre. De tête, plus déjà. Les temps changent...)
Qui me préconises-tu d’interviewer après toi ?
Le désagréable et pédant @Enthoven_R afin que tu lui demandes pourquoi il m’a bloqué. Ou la compétente, douce et adorable @ARosencher pour que tu lui demandes ce qui fait qu’elle me suit encore, moi, l’insignifiant.
Sinon, le borisvianesque et inclassable @KoliaDelesalle, l’intransigeante et délicieuse @Mluckygab, ou le vénérable, drôle, absurde et poétique @Monpsyvite.
Ou encore celui ou celle qui, se sentant oublié(e) dans ma réponse te contactera de ma part en DM.
Et Facebook dans tout ça ?
Je ne connais pas : je n’y suis pas.
Merci pour l’intérêt porté s’il est sincère.
Il est parfois bien utile de n’avoir rien à dire pour s’apercevoir.
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