Encore une découverte permise par les réseaux dits sociaux, et surtout grâce aux relations réelles que lesdits réseaux permettent souvent de nouer. Ainsi, l'interview de Damien Jodeau recommandée précédemment par Louisa nous a permis de nous connaître mutuellement. Et nous vîmes que cela était bien.
#monanalyse
le 22 JANVIER 2025,
L'interview de Damien Jodeau (@damienjodeau.bsky.social)
Bonjour Damien, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Salut Roger ! Je suis Damien Jodeau, bientôt 37 ans, avant je faisais des podcasts (arbitres de foot pour Slate, un autre sur Jean-Luc le Ténia, et d’autres trucs oubliables), sinon je suis plutôt créatif, curieux, avec un appétit vorace de vivre et de découvrir.
Si tu devais te décrire en tant que lecteur en trois adjectifs, quels seraient-ils ?
Rapide : j’ai toute une partie de ma bibliothèque qui est sur Kindle, et quand quelque chose me plaît, je peux torcher 200 pages en une heure sans souci.
Curieux du réel : je n’aime pas vraiment la fiction, ça m’ennuie vite et je n’arrive pas à accrocher à des univers qui sortent trop du réel (du style fantasy).
Et procrastinateur : je peux laisser un livre longtemps au quart ou à la moitié avant de le reprendre.
200 à l’heure ? ça fait perdre combien de points sur le permis, ça ? 😱
J’ai tous mes points, je peux me le permettre 😁
Le classement des bouquins posés horizontalement entraîne un dilemme que je n’ai moi-même jamais réussi à résoudre : dans quel sens les poser ? Couverture vers le haut mais alors le titre sur la tranche est à l’envers, ou bien quatrième de couverture et le titre est miraculeusement à l’endroit mais pour moi le livre est à l’envers. À quelle période de ta vie as-tu réussi à résoudre ce dilemme ?
Pourquoi faudrait-il le résoudre 😄😄
Faisons confiance en la vie et en notre instinct, mettons les bouquins comme on veut sans souci de cohérence, et au diable la maniaquerie !
C’est l’art du wabi-sabi, selon la culture japonaise : la beauté qui réside dans l’imperfection. Et, en extrapolant, dans le bordel, dans le détail, j’adore ça. Les environnements réglés au cordeau m’angoissent !
Qu’est-ce que t’as contre les maniaques ? Un problème ? Tu veux qu’on en parle tous les deux à la récré ?
BAGARRE 👊
J’ai des parents maniaques du contrôle et c’était insupportable, donc oui, j’ai du mal avec ça.
Voilà qu’il me traite de vieux, maintenant, et l’interview est à peine commencée… 😒
Pour revenir aux l’ordre des livres, ayant pris en considérations des explications brillantes sur l’environnement, comment expliques-tu subséquemment que le titre du livre « Pyramide inversée » soit justement à l’envers ?
Parce que j’ai toujours été anticonformiste.
M’ouais tu dis ça mais juste avant tu critiquais la maniaquerie que tu envoyais carrément au diable. Tu les vis bien, ces contradictions ?
En vrai j’ai répondu par une pirouette parce que je ne savais pas du tout pourquoi le titre était inversé 😄😄 Je l’ai mis comme ça dans la pile…
Et petit aparté, bravo pour l’emploi du mot « subséquemment » 👏
Oui, je sais. C’est aussi à ces petits détails que l’on se rend compte que je suis suprême au quotidien.
La partie de ta bibliothèque avec des « classiques » (Les Fleurs du mal, Fragment d’un discours amoureux, La nausée, Nietzsche…) : elle date de quelle époque ? Que nous dit-elle de ton histoire personnelle ?
Ça date du début des années 2010 : en gros, j’ai fait des études commerciales puis au fur et à mesure j’ai découvert Twitter et je me suis rendu compte de mon manque de culture classique, j’avais envie de lire et de découvrir. Mais soyons honnêtes, il y avait pas mal de pose, je me donnais un genre.
Je ne sais pas si j’en ai gardé grand-chose, à part la découverte de Fitzgerald, qui m’a beaucoup marqué. Jamais vu une prose aussi précise et délicate pour disséquer les émotions (alors que dans le fond, il raconte toujours des histoires de bourgeois qui s’emmerdent).
(Le modèle du bourgeois qui s’emmerde, ça ne manque ni dans la littérature ni dans la vie réelle... j’en connais même qui font des blogs)
Parfois c’est drôle à voir et il y a quelque chose, c’est l’emphase qui m’agace parfois. Fitzgerald, il n’a pas été choisi dans l’équipe de foot de Princeton et il en parle comme un des grands drames de sa vie. Bon…
Marrant, moi non plus aucune équipe de foot ne m’a choisi, et je m’en suis toujours foutu…
Poursuivons l’exploration de ta bibliothèque… La présence de la revue Schnock nous révèle-t-elle quelque chose de ton âge ?
Alors pas forcément de mon âge, mais une particularité : je ne pense pas être quelqu’un de nostalgique (plus maintenant), mais j’ai toujours aimé explorer le passé comme si je partais en week-end dans une capitale européenne.
C’était pour ça aussi que j’avais créé « Jean-Luc », pour me plonger dans la découverte du Mans (ma ville natale) dans les années 80/90, quand j’étais trop petit pour me rendre compte des choses.
Et la France à la papa m’a toujours amusé (et souvent consterné mais c’est autre chose)
Les Gaston en édition apparemment ancienne, en tout cas qui ont manifestement été beaucoup lus et relus : on en parle aussi ?
Parlons-en ! C’est mon parrain qui voulait m’offrir la collection complète quand j’étais petit, ça et les Tintin. J’adorais les BD, enfant, j’étais toujours le nez fourré dans un bouquin. À l’ombre, avec mon petit transat, je ne voyais pas les heures passées, j’ai chopé une insolation carabinée un jour à cause de ça.
Pour les Gaston, je les ai poncés 😁
Tu as poncé quoi ??? 😳
Hahahahahaha!! Je les ai lus des milliers de fois, si tu préfères.
Oui, je préfère.
Globalement je vois beaucoup de livres sur le foot dans tes photos, voire des livres écrits par des footballeurs. Quelle place occupe le sport dans ta vie ?
J’ai un Footix tatoué sur le bras gauche, ça peut te donner un ordre d’idée.
Je confirme, ça donne un ordre d’idée #monanalyse
À partir de 2015, il y a toute une littérature anglophone de qualité qui a été traduite par des passionnés, dont les Cahiers du football. J’aime bien ces personnages singuliers, une tête de con visionnaire comme Cruyff ou George Best, « le 5ème Beatles », footballeur génial, artiste et sensible, trop starifié et qui a sombré dans l’alcool jusqu’à en mourir.
J’ai envie d’autre chose maintenant, j’ai un peu laissé ça de côté. Je suis le football, mais de manière plus détachée, overdose de matchs et je n’arrive plus à connecter à ce milieu.
Je ne connais pas tous ces gens dont tu parles mais je vais me documenter pour mieux apprécier encore ton interview.
La dernière photo ce sont deux livres, posés sur un lit (ou à peu près) ; je ne peux imaginer que le choix de ces deux livres soit le fruit du hasard. Alors je te pose la question : pourquoi ?
Ce sont les deux livres que j’ai sortis de ma bibliothèque pour les continuer ou les relire.
J’ai commencé à lire de la socio et entre autres, je me suis intéressé à la pensée de Zygmunt Bauman, un sociologue polonais qui a théorisé la société « liquide » : les structures solides disparaissent au profit d’une fluidité, mais aussi d’une instabilité permanente. Un monde où tout devient transitoire.
Et le second, un essai dont co-auteur est Jean-Laurent Cassely, un journaliste et essayiste de Slate qui a écrit sur les imaginaires urbains (on lui doit le concept d’Hyper France, ou quand les petits mecs d’école de commerce gentrifient le resto routier à la papa pour en faire un truc premium), et qui propose un état des lieux exhaustif de la France après la réélection de Macron en 2022.
J’adore comprendre le monde qui m’entoure et ses changements. Si la lecture peut être un refuge dans l’imaginaire pour beaucoup, moi c’est l’inverse : un moyen d’approfondir mon époque.
Heureuse époque qui se fait approfondir #monanalyseapprofondie
Quant à la société fluide, je ne suis pas contre. On ne s’engueule jamais deux fois dans la même société, disait d’ailleurs le Bouddha face à l’impermanence des réseaux sociaux de son époque.
Je ne suis pas contre non plus, je ne suis pas à l’aise dans les structures rigides ou hiérarchiques, ce qui inclut AUSSI la maniaquerie, qui est une structure rigide qu’on s’applique pour se sentir en contrôle.
Et j’aime bien ta citation de Bouddha 😊
Merci, moi aussi je m’aime bien.
Le bouquin de la France sous nos yeux, je l’ai lu mais pas en édition « augmentée » : je suis ce bourgeois dont on parlait tout à l’heure qui l’a lu lors de sa sortie. Et qui trouve injuste qu’une édition en poche, donc moins chère, ait été augmentée.
Injuste? Salaud de bourgeois 🤬🤬🤬 (je plaisante, évidemment)
Et pour revenir à la question de ton âge : le poste de radio Thomson, on en parle ?
C’est un souvenir de mon grand-père, décédé en 2021, à 91 ans, il a bien vécu !
Il m’emmenait parfois pêcher avec lui près d’un étang, et il écoutait la radio (RTL, dans mes souvenirs) sur ce vieux poste, que mon père lui avait offert dans les années 80, en partant à l’armée.
Mon grand-père a eu une grande importance pour moi et il a été comme un refuge pour moi, dans des relations familiales compliquées. À sa mort, j’ai récupéré ce poste et c’est un merveilleux souvenir qui m’accompagne et me fait penser à lui.
C’est Louisa Amara qui a préconisé que tu sois interviewé dans le blog suprême ; comment t’es-tu senti quand tu appris cette merveilleuse nouvelle ?
Ah ben Louisa 😄 ça m’a trop fait plaisir qu’elle aie pensé à moi ! C’est une amie proche et j’aime son indépendance d’esprit, une qualité essentielle pour moi.
Je ne connaissais pas ton blog, j’aime bien tes questions, il y a quelque chose de l’Internet d’avant, quelque chose de bon enfant qui manque.
Ayant commencé à m’exprimer sur les internets quelque part vers 1996, et devenu très drôle depuis 1999 avec Désinformations.com, et étant psychorigide en plus de maniaque : forcément je suis un fossile vivant qui rappelle le bon vieux temps. Celui où on s’aimait tous très gentiment. Et où on baisait, aussi.
J’ai pas de souci de ce point de vue 😁 mais t’es un vieux routard de l’Internet du coup ! En vrai c’est cool que tu aies ton espace qui a gardé le même ton, ça manque.
Seigneur, le « vieux routard »… tu es vraiment aimable, comme interviewé 😒
C’est maintenant ton tour : de qui souhaites-tu lire prochainement l’interview par Maître Roger ?
Je pense à Noémie Marijon (du podcast so 80s) et à Lola Bertet, une podcasteuse talentueuse qui a fait quelques bons documentaires.
Et je les trouve où, ces dames ?
@euphrosineetbeurredecacahuete pour Noémie, @lola.bertet pour Lola, les deux sur Instagram.
Il en sera ainsi, les heureuses nommées seront invitées à l’interview suprême, dans le respect de mes délais de procrastination.
Depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
J’ai le poil soyeux, la peau tonifiée et les pores dilatés. Merci Maître Roger !
Enfin aimable 🙏🏻
S’il ne restait plus qu’une poignée de livres à emporter en attendant la fin du monde, lesquels sauverais-tu ?
J’en prendrais un gros (genre un vieux dico) pour pouvoir faire du feu le plus longtemps possible avec les pages.
Et où t’isolerais-tu pour brûles lesdites pages ?
Dans un sous-sol, je pense, une sorte de capsule hors du monde, un lieu de calme que j’aurais aménagé.
C'était l'interview de Damien Jodeau
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