L'interview de Marie-Tropique est un de ces moments de calme, pour ne pas dire d'éternité, qui nous ravissent et que Twitter, le réseau social à l'oiseau bleu a rendu possibles. Ledit oiseau bleu qui semble jouer beaucoup avec les dés, d'ailleurs.
#monanalyse
le 6 AVRIL 2022,
L'interview de Marie Tropique (@marietropique)
Pour en savoir plus :
Quatre mots sur un clavier
Bonjour Marie (ou bien préfères-tu que je t’appelle Madame Tropique ?), qui es-tu ? Où vas-tu ?
Je m’appelle Maritro ou Marie-Tropique, c’est le pseudonyme d’une jeune fille blonde qui cavale sur un cheval (c’est dur de cavaler sur un âne) et veut sauver sa forêt. Marie, je trouve ça fade à côté (pardon à toutes celles qui portent ce prénom noble et incroyablement commun).
Qui suis-je ? Hum. J’ai presque trente ans et je regarde le monde avec un peu d’inquiétude, en me disant qu’heureusement il nous reste de la poésie et du chocolat chaud.
Je ne sais pas trop où je vais. J’espère pouvoir au fur et à mesure de ma vie agrandir et densifier mon paysage intérieur de beauté et de connaissances, mais peut-être que je vais mourir bientôt. (Pas trop vite, je voudrais me marier avant).
ça me semble jeune pour mourir en effet, à peine trente ans.
Tu as déjà un ou plusieurs prétendants, pour le mariage ? Sinon, si tu veux saisir l’occasion de ton interview dans le blog suprême, lu par des millions de lectrices et lecteurs, c’est le moment opportun pour lancer un appel à la population...
Mais oui, c’est Le Nain, mon cher fiancé. Il est merveilleux – au cas je n’aurai déjà assez insisté dans ma bio. C’est un homme vif, taquin ET d’une extrême gentillesse.
Pourrais-tu te définir en deux traces dont tu aimerais que l’on se souvienne en pensant à toi dans deux cents ans ?
Deux traces... Ma bibliothèque tournante anglaise remplie de bouquins et une jolie robe vintage.
Une bibliothèque tournante anglaise ? Qu’est-ce donc que cette chose ?
C’est vrai que dit ainsi, on ne comprend pas trop... Un jour, j’ai eu besoin d’une bibliothèque. J’en ai repéré une sur Ikea : classique, style un peu « indus » comme on dit aujourd’hui (comprendre bois et fer) qui coûtait 125€. Ces choses-là sont grandes et malhabiles et requièrent une voiture, ce qui n’est guère pratique. Et voilà que le jour dit, la bibliothèque Ikea n’était plus disponible en magasin. En deux jours, évaporée.
Je me tourne vers Le Bon Coin, avec un budget comme je n’en consens jamais sur ce site et c’est ainsi que j’ai trouvé une merveille chez une dame dans le Marais qui s’était piquée de refaire son salon.
Bon, mais qu’est-ce que c’est ? C’est une bibliothèque avec un pied carré, qui pivote à 360°, avec des casiers et des tiroirs, le tout en bois massif, travaillé. Je l’aime beaucoup.
On peut y classer les livres. J’aime les trier par style : papier vieilli, édition aimée (Ad Solem), Pléiade (oui), livres minuscules, tranches blanches, etc.
Ton premier billet de blog, en janvier 2013, promettait à tes lecteurs « des éclats de rires et des chansons, des livres sur les genoux et des films sur l’étagère »
Comment ta promesse a-t-elle été tenue ?
Elle a été tenue dans un premier temps pour les films, pour les livres un peu moins, et hélas les chansons et les éclats de rires ont été plus vécus que partagés sur le blog.
Qu’est-ce que le blog a apporté à ta vie ?
À un moment, lorsque j’y étais active régulièrement, c’était une motivation pour coucher sur le papier ce que je pensais de telle expo, de tel film...
Quand j’allais au cinéma, j’avais un petit carnet et j’écrivais dans le noir des notes, des bouts de répliques, des mots-clés, pour pouvoir m’en rappeler. Quand la lumière était rallumée, il y avait des mots épars sur la page, très mal écrits, mais j’en faisais quelque chose.
Le blog est un outil qui permet de se donner un horizon, et d’être un peu fière aussi, quand on lit un texte quatre ans plus tard, et qu’on se dit que ce n’était pas si mal. C’est surtout un outil de partage aujourd’hui : par exemple, c’est un support pratique pour mon billet sur la réforme du bac.
Enfin, c’est aussi (même si ce n’était pas le but) un journal intime qui retrace chronologiquement mon évolution. Il y a des choses que je n’écrirais plus aujourd’hui, d’autres que j’ai supprimées.
Et Twitter ? Est-ce que d’ailleurs le réseau dit social à l’oiseau bleu n’aurait pas un peu pris tout ton temps disponible pour le blog ?
Ah c’est vrai que j’ai commencé par le blog ! Peut-être aussi que la mode du blog s’est assoupie (quel dommage !) et que j’ai suivi le mouvement. Twitter est moins exigeant : on n’y écrit n’importe quoi. On ne peaufine pas un tweet comme un article. Twitter est plus accessible : tout défile inexorablement, comme des gouttes sur une vitre quand il pleut.
Mais qui clique aujourd’hui sur un lien ?
Moi qui ai créé le blog suprême début 2021, je peux te dire « qui clique aujourd’hui sur un lien » : les millions de lectrices et lecteurs dudit blog ! Tu as fait le bon choix en acceptant d’y être interviewée.
Cela me donne envie de m’y remettre !
Je comprends #jecomprends
Ton tweet épinglé nous dit : « Avoir de la nuance, et on peut avoir de la nuance avec passion » ; ce n’est pas trop violent d’avoir de la nuance en cette époque qui en manque tant et en ces réseaux dits sociaux où elle est si systématiquement malmenée ?
Violent, je ne choisirais pas ce terme. En fait, j’ai plutôt de la chance d’avoir des abonnés qui sont d’accord avec moi, alors que le courant général aime tourbillonner dans les eaux de la radicalité excessive, plus enthousiasmantes.
C’est un professeur d’université qui a eu cette formule un jour et je l’ai fait mienne, car je trouve que la nuance est souvent bien plus proche de la réalité. Or, celle-ci m’intéresse. Le monde m’intéresse dans sa complexité qui n’est pas réductible à des formules, des slogans etc. C’est donc un large programme.
C’est beau ce que tu dis #monanalyse
Il enseignait quoi, ce professeur à l’université ?
L’histoire de la défense française (enfin dans mon cours).
Ah, comme quoi la défense mène à tout.
D’après ta bio, et aussi celle de @_Le_Nain_, vous êtes un couple de twittos.
Est-ce Twitter qui vous a permis de vous rencontrer ? Plus précisément votre histoire a-t-elle commencé suite à cette sombre histoire d’aspirateur ? (votre première interaction selon mes suprêmes recherches)
AARGH ASPIRATEUR
— Maritro (@marietropique) May 7, 2018
Oui, nous sommes un couple de twittos rencontrés grâce à Twitter.
Incroyable, je ne sais plus du tout ce que c’est que cette histoire d’aspirateur ! À cette époque, nous ne nous connaissons pas. C’est un an plus tard, au printemps 2019, que nous avons fondé ensemble un podcast, Fous de la rue, qui nous a rapprochés, puis rendus amoureux.
Le Nain a littéralement twitté « qui veut faire un podcast avec moi ? » et j’ai répondu oui. Cela doit être retrouvable.
Difficilement retrouvable, le compte de Le Nain a disparu 😳
C’est temporaire ! Il va revenir !
Ah. Nous réouvrirons donc ce dossier à son retour.
Un de tes derniers billets de blog évoque un recueil de d’interviews de d’écrivains et intellectuels catholiques, en 1938. Dont Jacques Maritain : « Il faut d’abord que les chrétiens vivent totalement leur christianisme. Ce n’est pas une question d’apologétique, de propagande, mais de sincérité et de vie. Le peuple est exigeant (Dieu aussi) : il demande qu’un chrétien témoigne. »
Et toi ? Comment témoignes-tu en notre époque ? Et de quoi souhaites-tu témoigner ?
Ohala ! Être témoin, c’est une exigence de vie folle mais c’est un beau programme. Être témoin de l’Amour de Dieu, c’est arriver à vouloir du bien à notre prochain, c’est l’aimer à notre hauteur, être attentif, bienveillant, dévoué. Ce n’est pas évident, cela peut sembler chronophage. Mais c’est peut-être plus largement une attitude, une disposition du coeur vis-à-vis de nos colocs, nos familles, nos voisins, nos collègues...
Une disponibilité pour faire le bien. Cette disponibilité n’existe que parce qu’on a une espérance et c’est cela dont je voudrais témoigner. L’espérance de la Résurrection. La fête la plus importante pour les chrétiens, c’est Pâques. Or, ce n’est pas seulement la commémoration du Christ roulant la pierre éclatant de lumière (aïe, ça fait mal aux yeux!), c’est surtout le fait que Dieu peut nous ressusciter, et pas seulement à la fin des temps, mais maintenant.
Nous relever du mal (de notre péché), et nous rendre bons. Nous relever dans nos épreuves, être avec nous. Être puissance de vie au milieu des morts quotidiennes. Mais cela dépend de à quel point on L’invite chez nous.
Voilà, j’aimerais être témoin du fait que quand on invite Dieu chez nous, ça nous change. En bien.
(Y’a encore du boulot).
Ton interview va être publiée quelques jours avant les Rameaux : ce n’est certainement pas un hasard #monanalyse
On m’a dit un jour que « hasard » voulait dire « doigt de Dieu » en arabe. J’ai trouvé cela joli et m’en rendait contente. Mais apparemment, d’après Wikipédia, ce n’est pas du tout le cas. Bref, ne croyez pas ce qu’on vous dit sur les étymologies.
D’après le dictionnaire de l’Académie non plus.
Et si on y ajoute la célèbre analyse d’Einstein selon laquelle « Dieu ne joue pas aux dés », ça n’arrange rien…
Ton interview a été recommandée par @jjdandrault : où étais-tu quand tu as appris cette merveilleuse nouvelle ? Et qu’en as-tu pensé, en particulier de cette promesse qu’il a faite pour toi d’être plus poétique dans tes réponses que lui-même l’a été dans son interview ?
Quand j’ai appris cette merveilleuse nouvelle, j’étais sur Twitter... et oui, je botte en touche car honnêtement je ne me rappelle plus ! Mais Twitter est une planète, donc géographiquement c’est accepté.
Cette promesse m’honore mais je ne sais si je l’ai honorée...
À ton tour, de qui souhaites-tu lire bientôt l’interview dans le blog suprême ? (un seul @ autorisé, je serai intraitable)
S’il avait le temps, @jean__michelin, que j’admire énormément.
Il en sera ainsi, et je ne vois vraiment pas comment l’heureux élu (qui me contactera en DM conformément à la procédure du blog suprême) pourrait refuser de se soumettre à ton admiration.
Revenons à toi.
Comment ta vie a-t-elle changé depuis que tu connais Maître Roger ?
Fallacieuse question... Les cerisiers ont fleuri ?
Fallacieuse réponse... mais parfaitement acceptable et même factuelle.
Tu n’ignores pas que le destin des interviewé•e•s de Maître Roger est bouleversé dès le jour de leur publication dans le blog suprême. Une vie de star t’est ainsi promise. Comment t’y prépares-tu ?
J’enroule mes cheveux (longs) autour d’un doigt d’un air songeur.
Où souhaites-tu partager un dîner avec Maître Roger ?
Dans un endroit joli avec des aubergines grillées !
Heureuses aubergines #monanalyse
Hormis les questions inspirantes de Maître Roger, qu’as-tu lu de particulièrement marquant ces derniers temps ?
Je découvre la collection « Tracts » de Gallimard, qui a cette immense avantage que la lecture rapide d’une traite permet d’en sortir avec des idées claires. Sinon, j’ai naturellement des dizaines de livres entamés.
Par exemple, j’ai reçu d’un twitto un livre incroyable sur Akhmatova suite à quelques bribes que j’avais larguées sur le réseau. (Merveilleux Twitter encore une fois.)
Je ne connaissais pas la collection « Tracts » avant de lire celui sur Z paru il y a quelques semaines... excellente lecture s’il en est.
Il y a un peu de tout, et ce n’est pas cher. Ce sont des voix singulières qui ont quelque chose à dire. A l’inverse de nos politiques, qui n’ont plus rien à dire. C’est ce que dit le dernier que j’ai lu (Fabrice Humbert) : on a épuisé la Parole, il n’y a plus que des éléments de langage.
Il explique aussi que la politique doit faire face sans cesse à des tensions contradictoires et non pas à des bonnes ou des mauvaises solutions (ce serait trop facile). Or, le peuple n’est pas prêt à entendre cela : un discours qui avoue son impuissance à choisir entre des coûts et des bénéfices.
Au fond, j’aimerais que nos politiques soient plus humbles. Et plus facétieux, aussi.
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
Il y avait un cd de musique viennoise dans mon salon qui a terminé sa course et désormais le silence parisien entrecoupé des passages des voitures dans ma rue, qui font sur le bitume le bruit fortissimo d’un fer à repasser vieilli sur un pantalon défraîchi.
(On repassera pour la poésie).
(hu hu)
Quelle image choisis-tu pour illustrer ton interview et pourquoi ce choix ?
Est-ce qu’on peut mettre la photo que j’ai en couverture de mon profil ? J’aimerais être cette petite silhouette qui marche entre les arbres, assurée, élégante, éternelle.
Oui, on peut. Je suis suprême, et je fais un peu ce que je veux sur le blog suprême.
* s’incline suprêmement*
Et la joie de vivre, dans tout ça ?
J’en ai peut-être manqué ces derniers temps !
Pardon ! ça reviendra, après les élections !
Merci pour le temps que tu as pris pour lire mes élucubrations !
Longue vie à ton blog !
C'était l'interview de Marie Tropique (@marietropique)
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