Vu la longueur de son interview, on va faire court pour l'introduction : lisez, relisez, Fabien Vinckier.
#monanalyse
le 28 JANVIER 2023,
L'interview de Fabien Vinckier (@FabienVinckier)
Bonjour Fabien, qui es-tu ? Où vas-tu ?
Dans quel état j’erre ?
Je m’appelle Fabien Vinckier, j’ai 40 ans, je suis professeur de psychiatrie et chercheur en (neuro)sciences cognitives.
Je ne sais pas où je vais (mon sens de l’orientation a toujours été déplorable) mais j’espère que je pourrai m’y rendre utile... et accessoirement m’y amuser !
Pardonne mon inculture, mais ça fait quoi au quotidien, un psychiatre chercher en (neuro)sciences cognitives ? Tu soignes des gens ?
Je te pardonne, on ne peut avoir une culture suprême en tout !
Trop aimable 🙏🏻
En pratique je suis PU-PH (professeur des universités, praticien hospitalier) à l’université Paris Cité. Ce statut implique une triple mission (en plus des emmerdements administratifs habituels) : une mission de soin, une mission d’enseignement et une mission de recherche.
Côté clinique, je suis donc psychiatre. Je travaille au GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences, à l’hôpital Sainte-Anne, dans le Pôle hospitalo-universitaire psychiatrie Paris 15. J’essaye en effet de soigner des gens ! Je m’occupe principalement de personnes souffrant de schizophrénie ou de troubles de l’humeur (trouble dépressif récurrent ou trouble bipolaire). J’interviens notamment (mais pas que) dans des situations de résistance, c’est-à-dire quand les traitements les plus habituels n’ont pas marché.
Du fait des situations dans lesquelles j’interviens, mon expertise est plutôt du côté de la pharmacologie et de la neuromodulation (stimulation cérébrale à l’aide de différentes techniques non invasives : stimulation magnétique transcranienne, électroconvulsivothérapie ou impliquant une intervention chirurgicale).
(Ah oui je vois, comme dans Vol au-dessus d’un nid de coucous)
Oui, c’est malheureusement la première référence à laquelle on pense quand on évoque l’électroconvulsivothérapie... Et beaucoup de patients refusent ce traitement (ou d’autres) parce qu’ils ont l’image des électrochocs en tête...
Je dis fréquemment à mes étudiants de regarder ce film. Parce que c’est un monument du cinéma, mais surtout pour qu’ils réalisent d’eux mêmes à quel point ce qu’ils voient dans le service n’a rien à voir avec cette image.
Poursuivons. Après le côté de la clinique, de quel côté te meus-tu ?
Du côté recherche : je travaille dans l’unité Motivation Cerveau Comportement à l’institut du Cerveau (ICM).
Pour poser quelques définitions, j’aime bien celle qu’on m’a donnée à mon premier cours de master : les sciences cognitives sont les sciences du traitement matériel de l’information. Lorsque le système qui traite l’information est un cerveau et qu’on cherche à comprendre ce qui s’y passe, on parle de neurosciences cognitives.
Mes thématiques de recherche portent sur la description des mécanismes cognitifs qui sous-tendent les symptômes psychiatriques. Je m’intéresse par exemple aux troubles de la motivation en psychiatrie, à l’émergence des idées délirantes ou à la modélisation des fluctuations de l’humeur et de leur impact sur la prise de décision. À ce sujet, je te propose un peu d’autopromo avec une vidéo :
Tu as bien raison de faire de l’autopromo, ce n’est jamais sûr que les autres la fasse à ta place, la promotion.
Et au quotidien, ça ressemble à quoi, tout ça ? Tu aurais un exemple à proposer aux millions de lecteurs du blog suprême avides de savoir ?
En pratique, je fais donc avant tout de la psychologie expérimentale : mon but est de proposer une description cognitive des symptômes.
Pour donner un exemple très simple : un patient qui présente un trouble de la motivation peut ne rien faire (être apathique) pour au moins deux raisons. Parce que le but de son action n’a plus de sens pour lui (diminution de la sensibilité à la récompense) ou, à l’inverse, parce que le coût de cette action, l’effort qu’il doit dépenser, est devenu insurmontable (augmentation de la sensibilité à l’effort).
Pour discriminer ces hypothèses, je vais utiliser des tâches comportementales très simples (par exemple, appuyer sur une pince pour gagner de l’argent) et éventuellement des modèles mathématiques (on parle de modélisation computationnelle) me permettant de faire la part des choses entre les deux scénarios.
Mais évidemment, en tant que psychiatre, je ne veux pas m’arrêter à cette description cognitive... Je veux l’incarner dans une neurobiologie. C’est là qu’interviennent les outils des neurosciences comme l’IRM fonctionnelle, qui permet de voir les régions du cerveau particulièrement actives lorsque l’on fait une tâche... Ou encore une approche psychopharmacologique, c’est à dire décrire les effets de certaines molécules sur le comportement au cours de ces mêmes tâches cognitives. Pour reprendre l’exemple de la motivation, on peut par exemple montrer que la sensibilité à l’effort ou à la récompense ne reposent pas sur les mêmes réseaux cérébraux ou sur les mêmes neurotransmetteurs (le fameux lien entre dopamine et sensibilité à la récompense).
Et cela ouvre bien sûr plein de pistes thérapeutiques, que l’on parle de médicaments, de psychothérapie, ou de stimulation cérébrale. Si ce sujet t’intéresse, j’avais commis un petit article de vulgarisation sur le sujet.
C’est étrange chez les psychiatres ce besoin de parler...
J’en parlerai à François Narolles, il paraît qu’il a besoin de faire des phrases !
Oui, nous avions évoqué ce sujet (et tant d’autres passionnants) dans son interview.
Quelle était ta quête en venant sur Twitter ? Était-ce ta première expérience des réseaux dits « sociaux » ?
To seek the Holy Grail! [traduction de Roger : la quête du Saint Graal]
Mais ça ne m’a pas réussi. Twitter m’a été conseillé comme source d’information par un collègue et ami, pour monitorer ce qui se faisait dans mon champ.
De fait, je trouve que c’est un bon moyen de se tenir au courant des papiers (publications scientifiques) qui sortent dans mon domaine, car beaucoup de scientifiques y communiquent sur leurs travaux.
Je trouve aussi que c’est assez efficient pour s’informer sur une thématique à laquelle on ne connaît pas grand-chose. Il faut assumer l’effet bulle (c’est fait pour) mais Twitter m’a par exemple permis de me faire rapidement une culture sur plusieurs thématiques au sujet desquelles j’étais assez naïf il y a encore peu de temps.
Oui, j’ai fait pareil ou presque, tout en étendant le concept aux interviews du blog suprême.
Et avant Twitter, donc ?...
J’étais sur Facebook... Et avant ça sur un site qui s’appelait fenx.net et qui était une sorte de communauté en ligne où l’on pouvait exposer ses créations, jouer à jeu intégré (l’aréna), échanger sur des forums thématiques ou partager son quotidien... C’était au tout début des années 2000 et je m’y suis fait pas mal d’amis dont certains que je côtoie encore. Et encore avant, j’étais sur un site dont j’ai oublié le nom où l’on partageait des textes et ses états d’âmes...
C’est amusant de me refaire penser à tout à ça, ça réveille pas mal de vieux souvenirs. Ce d’autant que je revoie demain un copain que j’avais connu sur fenx.net, que je n’ai pas vu depuis plus de quinze ans et que j’ai retrouvé via Twitter !
C’est amusant comme nous sommes nombreux à, accessoirement, avoir trouvé autre chose que ce que nous étions venus chercher sur le réseau social à l’oiseau bleu.
Et concernant tes souvenirs, c’est aussi à ça que sert l’interview dans le blog suprême et aussi pourquoi je suis moi-même suprême.
Je reconnais que tu es très fort, tu aurais fait un bon psychiatre!
Tu vas me faire rougir 😳
Revenons à ta présence sur Twitter et à ce titre ton premier tweet qui date du premier jour du confinement :
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) March 17, 2020
Qu’est-ce que ce tweet nous apprend sur toi ?
J’ai retweeté Steven Pinker avant, ça ne compte pas ? C’est en tout cas la première personne que j’ai cherchée et suivie sur ce réseau et ça, ça dit énormément de choses sur moi !
Chépô, j’ai pas trouvé ce retweet lors de mes suprêmes recherches.
Mais bien, allons-y, qu’est-ce que Steven Pinker dit de toi ?
Voici ce que je disais sur Facebook, 1er janvier 2020 :
Voilà quelques semaines que j’ai fini « Le Triomphe des lumières » de Steven Pinker («Enlightenment Now» dans sa version originale) et je peux raisonnablement affirmer que jamais aucun livre ne m’avait autant marqué ni n’avait autant transformé ma vision du monde.
Il ne se passe pas une journée sans que je ne me remémore l’une des centaines de données que j’ai apprises via ce livre, y compris dans mon propre champ d’expertise, sans que je ne repense au message profondément réaliste et optimiste qu’il véhicule, ou sans que je ne me questionne sur l’un de ses principaux constats : la conviction que « c’était mieux avant » est profondément enracinée dans notre vision du monde alors même que l’humanité vit de loin la meilleure période de son existence.
À la moitié du livre, j’en ai acheté 8 exemplaires pour les offrir à mes amis, à mes proches, à mes collègues. Après l’avoir terminé, j’en ai recommandé 18 autres. Pour citer Franck Ramus, « À mon sens, ce livre devrait être une lecture obligatoire pour tout notre personnel politique, et pour toute personne appelée à contribuer à des décisions collectives. », c’est à dire pour chacun d’entre nous.
Bonne et heureuse année à tous : si le passé prédit le futur, cela devrait être (en moyenne) le cas.
Mais oui, bonne année à toi itou, et surtout la santé #monanalyse
C’est un peu ironique à lire aujourd’hui mais je continue de penser à ce livre presque chaque jour, à croire qu’aujourd’hui est mieux qu’hier et sans doute moins bien que demain... et je crois que j’en suis à plus de 50 exemplaires offerts.
J’avais lu la part d’ange du même Pinker, je reconnais que c’est inspirant (comme on dit de nos jours) pour avoir foi en l’humanité. Peut-être même notre dernière inspiration disponible à cet endroit, quand on voit le reste... 😒
Donne-moi une adresse en DM et je t’en envoie un exemplaire, on en reparle après !
Personnellement j’essaye de garder un optimisme mesuré : l’histoire nous montre qu’il est possible d’améliorer le sort de l’humanité, que le progrès et l’humanisme ne sont pas des vains mots et qu’en moyenne demain est plus beau qu’hier (ou plus exactement, que « rien n’explique mieux le bon vieux temps qu’une mauvaise mémoire »).
Mais évidemment rien n’est acquis, il n’y a pas de sens de l’histoire, et il y a mille façons d’aller plus mal pour une façon d’aller mieux...
Pour citer Marie Curie, « Rien n’est à craindre, tout est à comprendre » !
Merci pour le bouquin 🙏🏻
Et elle avait drôlement raison, Marie Curie, dis donc.
Bon bon bon… j’en étais où de mes questions préparées ? Parce qu’avec tes réponses documentées et les parenthèses, je suis un peu perdu… ah oui ! Je me souviens !
ça ne te rappelle pas trop le travail, Twitter, au fait, avec tous les gens parfois un peu… enfin bref, avec tous les gens ?
Non, pas vraiment. On voit en fait très peu la folie sur les réseaux sociaux (j’imagine que c’est de ça dont tu parles ?), plutôt les biais cognitifs à l’œuvre chez chacun de nous. Mais à vrai dire, pas besoin de Twitter pour les rencontrer, même s’ils y sont peut-être parfois un peu exacerbés.
On voit en revanche beaucoup la stigmatisation avec l’utilisation de noms de troubles psychiatriques (schizophrénie et autisme notamment) comme insulte ou à visée dégradante, en particulier par certains politiques ou journalistes (ce qui est particulièrement douloureux).
Après, quand je tweete sur la psychiatrie, je suis souvent embêté car j’induis des réponses de patients auxquelles je ne peux pas répondre, même lorsque je le voudrais. Parce que je ne connais pas leur situation et que ce ne serait pas éthique, pas adapté et le plus souvent contre-productif...
Je ne parlais pas que de la folie des gens (qui suis-je d’ailleurs pour en parler ?) mais bien de tout le reste du bazar dont de troubles sur lesquels tu me réponds et dont il me semble que nous pouvons tous percevoir des symptômes. Par exemple l’ego surgonflé de certains (sauf dans les cas parfaitement légitimes et même suprêmes tel que le mien).
Ai-je tort, d’ailleurs, selon toi ? Sommes-nous tous armés pour identifier des symptômes de troubles psy divers sur les réseaux dits « sociaux » ?
Mon mauvais, j’avais mal compris !
C’est aussi à ces petits détails que l’on voit que je suis suprême.
Même s’il n’y a pas de frontière nette entre le normal et le pathologique en psychiatrie (ce qui ne veut pas dire que ces concepts sont inutiles), il reste je pense important de bien distinguer les troubles psychiatriques des biais cognitifs. Les biais ne sont pas des troubles, ils sont présents à des degrés divers chez chacun de nous. La définition la plus opérante du trouble est probablement celle de la détresse : il y a un trouble quand il y a une souffrance (ou un handicap) de l’individu ou de ses proches...
C’est souvent difficile de reconnaître les troubles psychiatriques. Dans la vie réelle et peut-être encore plus sur les réseaux sociaux, on a tendance à trouver des explications, à rationaliser le comportement même quand on repère « intuitivement » que quelque chose ne va pas. Même (et peut-être surtout) quand on connaît la personne, on peut passer à côté de la maladie. Et comme la maladie psychiatrique est stigmatisée, l’idée d’aller voir un psychiatre fait peur (« je ne suis pas fou ! »).
Mais oui, enfin ! Je ne suis pas fou ! 😳
Concernant les biais, savoir les repérer ne relève pas de la clinique psychiatrique mais bien de l’apprentissage de la pensée critique. Je crois d’ailleurs qu’apprendre à reconnaître les biais et notre tendance à l’irrationalité devrait être beaucoup plus systématique et aurait sa place dès l’école primaire.
Évidemment, repérer les biais est bien plus facile chez les autres (ou chez ceux avec qui on est en désaccord) que dans notre propre fonctionnement. On sait aussi qu’informer sur les biais ou les connaître ne suffit pas pour ne pas y sombrer.
Ton tweet épinglé pose un certain niveau d’exigence au niveau du vécu conversationnel : « il me semble que le débat public sur de nombreuses questions s’en porterait beaucoup mieux si l’on s’accordait sur la nécessaire distinction entre les faits et les valeurs ».
J’allais t’en parler, justement : comment distingues-tu tout ça ? Et pour quelles conséquences ?
J’ai un tweet épinglé moi ? Mince, pas fait exprès, désolé !
Hum, je suis pas certain de comprendre la question mais l’idée est juste de bien distinguer ce qui est (les faits) de ce que l’on estime souhaitable (les valeurs). Par exemple, il est bien démontré que les hommes sont en moyenne plus violents que les femmes et qu’il existe des déterminants biologiques à cela. Qu’on aime ou pas cette idée, c’est comme ça : c’est une question de faits, et bien sûr cela ne justifie en rien cette violence (ce serait un sophisme d’appel à la nature).
Notons d’ailleurs qu’on peut ne pas avoir de réponse à une question de faits : aujourd’hui, on ne sait pas pourquoi les hommes sont en moyenne plus forts (à très haut niveau) que les femmes aux échecs (ou plus exactement, il y a plein d’hypothèses mais rien de certain). Mais c’est une question de faits (empirique) et non une question de valeurs : si l’on veut avoir la réponse à cette question, il faut acquérir des données et/ou expérimenter.
Évidemment, quelle que soit la réponse, cela ne justifie en rien d’éventuelles discriminations car promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes est une question de valeur.
Or, je trouve que dans le débat public, on mélange non seulement les opinions et les faits mais également les faits et les valeurs. Par exemple, si l’on cherche à diminuer la consommation de stupéfiants ou à réduire la criminalité, on doit étudier la meilleure stratégie, y compris par l’expérimentation (question de faits). À l’inverse, on peut estimer que les drogues doivent être interdites ou que les auteurs de crimes doivent être punis pour des raisons morales (donc de valeurs) mais dans ce cas il faut admettre que notre objectif n’est pas la santé publique ou la sécurité !
Je crois que si l’on s’efforçait de bien faire cette distinction, on s’éviterait beaucoup de sophismes et on pourrait discuter de façon beaucoup plus rationnelle et sereine sur de nombreux sujets sociétaux ou environnementaux.
Alors pour quelqu’un qui n’est pas certain de comprendre la question, tu as une capacité de répondre bluffante...
Merci, tu me flattes !
À certains égards, essayer de répondre à des questions que je ne suis pas certain de comprendre est probablement une assez bonne définition de mon métier !
Quel talent !
Au fait, qu’est-ce que tu fais avec ce gros échiquier ? Et qu’est-ce que tu as réellement l’intention de faire dans les couloirs ? 😳
Un grand merci à @AlphaEchecs ! Du matériel magnifique, un service exemplaire... De quoi se prendre de magnifiques mats du couloir avec le sourire ! pic.twitter.com/RUFko1wlmr
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) July 16, 2022
Alors il se trouve que j’aime jouer : jeux de rôle sur table (et un peu de GN), jeux vidéo, jeux de cartes, jeux de plateau... Je suis un grand joueur devant l’Éternel... D’ailleurs j’ai fait énormément d’escrime en compétition dans une autre vie et ce qui me plaisait vraiment, c’était la dimension ludique.
Curieusement, jusqu’à peu, je ne jouais pas aux échecs ; j’étais plutôt un (très mauvais) joueur de go. Un peu comme tout le monde, j’ai redécouvert les échecs avec la série « Queen’s Gambit » et j’ai vraiment eu un coup de cœur. Et comme je suis un peu maximaliste, je me suis acheté plein de bouquins et (beaucoup trop, me dit-on!) d’échiquiers. Je trouve ça très beau, même si je ne sais pas trop où les ranger !
Quant à savoir ce que je fais dans les couloirs, je joue régulièrement avec un ami qui est très fort (maître FIDE pour ceux à qui ça parle) et qui me met donc régulièrement des râclées... mais je progresse, et j’adore ça !
Le psy est masochiste et aime se prendre des râclées. Je le note.
Alors non, j’ai horreur de perdre. Je ne suis pas mauvais joueur mais je suis un très mauvais perdant !
Par contre oui, j’ai toujours été beaucoup plus motivé par la haine de la défaite que par le désir de la victoire, ce qui est peut-être une forme de masochisme.
Bon, après, la compétition t’apprend qu’il finit (presque) toujours par y avoir, à un moment ou à un autre, quelqu’un de plus fort que toi, même quand tu es le meilleur à un moment donné (sauf bien sûr concernant le blogueur suprême).
Bien sûr.
Concernant les échecs, je joue avec quelqu’un qui est plusieurs ordres de grandeur au-dessus de moi. Je n’ai donc – quasiment – aucune chance de gagner, ce qui rend les choses beaucoup plus faciles. Ce que j’adore, c’est essayer de résoudre ce casse-tête presque impossible !
D’ailleurs je ne juge pas ma performance de façon binaire, succès ou défaite, mais plutôt à la distance qui me sépare de la partie parfaite : si j’ai réussi à le mettre en difficulté, à le surprendre ou à frôler la nulle (voire la victoire), c’est une récompense ! Et je trouve fascinant de voir à quel point mon adversaire a anticipé des coups auxquels je n’ai pas encore pensé, de percevoir l’harmonie de ses pièces ou de réaliser (généralement un peu trop tard) comment son attaque va se développer. Il y a une esthétique incroyable dans le jeu d’échecs, même pour l’amateur débutant que je suis !
En tant qu’ancien joueur doté d’un Elo impressionnant les débutants dans mes jeunes années, et en tant qu’intervieweur de Fabrice Hocedent du magazine Route-64, je ne peux qu’approuver.
Tu es autorisé à me mettre une râclée à l’occasion !
Je vais d’abord lire le bouquin de Pinker.
Ton interview a été recommandée par Marie Jouveau aka @JouveauM : quels ont été tes sentiments quand tu as appris cette merveilleuse nouvelle ? Où étais-tu ? Que faisais-tu ?
Mes sentiments pour ma meilleure moitié sont toujours ineffables bien sûr ! Hum... Sinon pour être honnête, je crois que je suis tombé sur la notification en rentrant du boulot vers 22h30 et que je me suis dit quelque chose comme « mais qu’est-ce que c’est que ce truc encore ? »
Bon, évidemment, dès que j’ai compris l’honneur qui m’était fait, je me suis pâmé d’émotion et de reconnaissance et je me suis immédiatement flagellé avec des orties pour ne pas avoir immédiatement reconnu la grandeur du Maître suprême, cela va de soit !
Ta « meilleure moitié » ? Combien de moitiés as-tu en tout ? Tu es polygame ?
Ouh là, non, je n’ai pas le temps !
Ah oui, c’est vrai que la polygamie est chronophage.
À ton tour, qui souhaites-tu recommander pour une prochaine interview dans le blog suprême ?
Hum... Alors comme je n’ai jamais su choisir entre fromage et dessert, j’en cite 3, par ordre alphabétique : @DarthLomig, @hugoreasoning et @Izno91.
Ben voyons, le respect des règles, on en reparlera, hein.
Techniquement, le message ne précisait pas combien il fallait en recommander !
BEN VOYONS !
Enfin bref, les heureux impétrants seront invités à me contacter en DM pour connaître la procédure et mes délais de procrastination.
Continuons dans la rubrique people : tu as forcément lu l’interview récente de @VimalThierry dans le blog suprême (si ce n’est pas le cas, il est urgent que tu le fasses, bien sûr) et dans laquelle il révèle sa passion pour l’écriture et la lecture de modes d’emplois.
De ton point de vue de praticien, que penses-tu de ce kink ?
Oui bien sûr, je l’ai lue *sifflote d’un air dégagé*...
Sinon, en tant que professionnel aguerri, je crois pouvoir dire avec une certaine confiance que cela ne figure pas dans la 5e édition du DSM (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders)...
Ça fera 130€, d’autres questions ?
Non, merci, ça va aller 😒
Depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
Avec modération !
C’est bien la première réponse modérée de cette interview… comme quoi mes suprêmes pouvoirs sont puissants.
Tu n’ignores pas que la publication de ton interview dans le blog suprême va t’apporter célébrité et joies infinies. Les femmes seront nues dans la rue et se jetteront sur toi. Comment te prépares-tu à cette nouvelle vie ?
C’est compatible ça, célébrité et joies infinies ?
Pour les femmes nues, dans mon métier, c’est rarement bon signe ! Mais je me tiens prêt, loxapine à la main (no pun intended).
C’est quoi, cette histoire de pine ? 🫣
fr.m.wikipedia.org/wiki/Loxapine
Où souhaites-tu dîner avec Maître Roger quand tu seras une star ?
Si tu me prends par les sentiments...
Je suggère quelque chose de simple et sans prétention, comme Plénitude ou Le Pré Catelan...
Tu as raison, restons simples.
Hormis les questions inspirantes de Maître Roger, qu’as-tu lu de particulièrement marquant ces derniers temps ?
J’ai déjà parlé de Steven Pinker donc je vais varier les plaisirs...
En œuvre de fiction, le second recueil de nouvelles de Ted Chiang, Expiration, est probablement ce qui m’a le plus marqué ces derniers mois. Cela faisait longtemps que je n’avais pas lu un récit de science-fiction aussi créatif, imaginatif, et faisant autant réfléchir...
En essai je recommande fortement « Homo Sapiens dans la cité » de Coralie Chevallier et Mathieu Perona.
Petit thread pour partager une lecture d’utilité publique ! Je viens de finir « Homo Sapiens dans la cité ; Comment adapter l’action publique à la psychologie humaine », de Coralie Chevallier (@CoralieChevall1 ) et Mathieu Perona (@MathieuPerona),
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) August 20, 2022
D’ailleurs je recommande également l’article de Mélusine Boon-Falleur (que tu pourrais aussi interviewer, tiens !) dont la dernière autrice est également Coralie Chevallier.
J’en parlais là:
Je viens juste de découvrir ce fantastique papier et je le conseille furieusement à tous ceux qui s'intéressent à la lutte contre le dérèglement climatique, https://t.co/bI8KxQgNWq
— Fabien Vinckier (@FabienVinckier) December 25, 2022
En Bande-dessinée (oui, je suis évidemment un grand amateur de BD), je dirais que ce qui m’a le plus marqué récemment est la série Bolchoï Arena, d’Aseyn et Boulet (que tu pourrais.... Non j’arrête).
Ah, et j’ajoute à mes recommandations de lecture le premier livre de mon Maître et ami Raphaël Gaillard, « Un coup de hache dans la tête », qui explore avec virtuosité et intelligence les liens entre folie et créativité.
Bon bon bon, ça en fait des nouveaux livres dans ma pile-à-lire...
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
Alors je n’ai pas écouté de musique (j’en écoute finalement assez peu) mais si cela avait été le cas, cela aurait probablement été la musique « épique » que j’écoute pour travailler au labo... Quelque chose comme 2 steps from hell, Steve Jablonski, Hans Zimmer ou Ennio Morricone !
Je vote Ennio Morricone.
Quelle image choisis-tu pour illustrer ton interview et pourquoi ?
On parle d’une image de profil (portrait) ou du bandeau (comme le Old Man Of Storr que m’a piqué Marie ?)
On parle d’une image en mode paysage, genre bandeau en effet.
Je t’ai envoyé une photo faîte par une amie. C’est sur l’île de Skye, dans les Quiraing (donc pas loin du Storr). J’aime beaucoup cet endroit, et je trouve la photo très belle.
Au cas où tu te demanderais, c’est moi dessus...
Je me demandais, justement. Tu fais bien de préciser.
Et le nucléaire, dans tout ça ?
Le réchauffement climatique est probablement la principale menace qui pèse sur l’humanité à court et moyen terme... La réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait donc être une sinon la principale priorité des pays riches et de ceux qui sont en train de le devenir.
Mais à l’inverse, le monde reste en moyenne très pauvre. Les conditions d’existence de l’humain moyen sont bien meilleures qu’elles ne l’ont jamais été mais elles restent en moyenne catastrophiques. Et il y a une corrélation directe entre PIB/habitant, énergie et qualité de vie / bonheur. Si l’on se dit à la fois humaniste et défenseur de l’environnement (en soi ou pour limiter les conséquences du réchauffement climatique sur l’humanité ou les autres espèces), produire de l’énergie décarbonée est donc le père de tous les combats...
Juste pour sourcer un peu sur cette thématique. Je conseille à tous la lecture de cet article du formidable site Our World In Data avec notamment le graphe « People in richer countries tend to be happier and within all countries richer people tend to be happier » que je trouve l’un des plus impressionnants toutes disciplines confondues...
Au passage, certains trouvent ça déprimant (l’argent ou l’énergie font donc le bonheur ?) mais j’aurais le point de vue inverse.
L’argent (et plus exactement ce qui en découle : avoir un toit au-dessus de sa tête, se chauffer, manger à sa faim, être en bonne santé, savoir que ça a peu de chance de changer dans les semaines qui viennent, que nos enfants ont de bonnes chances d’avoir une vie meilleure que la nôtre, avoir du temps pour des loisirs, etc etc), on sait comment l’augmenter...
C’est plus rassurant pour l’avenir de l’humanité que si le bonheur dépendait de questions existentielles auxquelles on cherche des réponses depuis des millénaires. Accessoirement, c’est évidemment une corrélation (probablement médiée par tout ce que je cite au-dessus et bien d’autres facteurs comme les relations sociales, ou l’accès au blog suprême) et non une causalité directe...
Médiation qui bien sûr n’explique qu’une partie de la variance : je traite quotidiennement des patients très riches et pourtant très déprimés !
Et bien sûr, les droits civiques, libertés individuelles, niveau d’éducation, accès à la culture et aux loisirs, avoir rencontré Maître Roger et autres facteurs sont tous corrélés au PIB/habitant... D’ailleurs j’en profite pour glisser cet autre site sur lequel je passe beaucoup trop de temps : https://www.socialprogress.org/
Pour en revenir au nucléaire civil, c’est l’une des rares façons de produire de l’énergie décarbonée (avec en gros les ENRi et l’hydro, je mets de côté la biomasse), l’une des deux seules pilotables, l’une des plus propres et l’une des plus sûres
À vrai dire, c’est une source d’énergie qui fait aussi bien ou mieux que les autres sur quasiment toutes les métriques imaginables.
Au-delà de son importance dans la lutte contre le réchauffement climatique, le sujet du nucléaire est fascinant de par le symbole qu’il constitue. On parlait tout à l’heure de faits et de valeurs et pour moi le nucléaire constitue, avec quelques autres sujets, comme les OGMs, un magnifique marqueur d’irrationalité.
Cela fait quelques années que j’essaye de changer mon mode de vie pour réduire mon impact carbone (je ne prends plus l’avion, je ne mange quasiment plus de viande rouge, etc...). Il y a un peu plus d’un an, j’ai voulu en faire plus et j’ai cherché une association environnementale qui ne soit pas anti-nucléaire (ce qui est extrêmement rare!). Je suis tombé sur les Voix du nucléaire et j’y ai adhéré. Je suis beaucoup moins actif que Marie mais j’essaye d’y faire ce que je peux, dans la limite de mes capacités et de mon temps disponible.
Sinon, le nucléaire est un sujet sur lequel je parle beaucoup trop et avec lequel je bassine tous mes amis...
Heureux amis 🙏🏻
C'était l'interview de Fabien Vinckier (@FabienVinckier)
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