Au commencement, elle se disait « immature », et désormais « en maturation ». Mais elle est surtout Avocatine et son succès sur le Twitter est à la juste proportion de son talent. Et du talent des deux chats qui l’hébergent, chez eux, en Bretagne, d’où elle répond avec finesse et détachement aux questions aiguës du blogueur suprême.
#monanalyse
le 9 SEPTEMBRE 2021,
L'interview de AvocateEnMaturation (@avocatine)
Avocatine, qui es-tu ?
Je suis Avocatine, rennaise franco-rousse. J’habite au tribunal et chez mes chats.
Justement, j’avais prévu de te poser une question concernant ta bio Twitter où tu précises être « franco-r(o)usse » : d’où te vient ce sens de l’humour irrésistible ?
Je pense que l’humour c’est une des manifestations de l’instinct de survie. On en a absolument besoin pour interagir avec les autres et on en a surtout besoin pour se supporter soi-même.
Et n’oublions pas de supporter les autres, aussi, l’humour peut aider en ce sens, si lesdits autres le supportent eux-mêmes bien sûr #monanalyse
Concernant ton @, il est un délicieux jeu de mot de ton métier d’avocate au chocolat : d’où te vient cette maîtrise suprême de la langue française ?
Le choix du @ était un pied-de-nez lors de la énième vague de la guéguerre chocolatine / pain au chocolat en TL. Il fallait abandonner l’ancien @avocatimmature que j’assumais plus trop.
Pour la maîtrise de la langue, la vie ne m’a pas trop laissé le choix. Arrivée en France à 11 ans, j’étais la seule de la famille à être scolarisée et j’ai donc appris le français plus rapidement que les adultes.
C’était un plan tout pourri parce que, depuis toujours, je suis chargée de toutes les démarches administratives ou autres dans la famille. Ils se sont habitués à se reposer sur moi. Mais il faut croire qu’on reproduit les seuls schémas qu’on connait. Maintenant je m’occupe, en plus, des problèmes de mes clients, de leurs paperasses et démarches.
C’est clair, à ce niveau ça sent la vocation, le destin.
Ton parcours géographique t’a amenée, selon ta bio Twitter, de la Sibérie à Paris puis à la Bretagne. Quels enseignements as-tu tirés de ce beau voyage ?
Que je préfère le froid et la cuisine française.
J’adore les voyages à (très) longues distances aussi.
Et puis un constat : la meilleure qualité de vie est en Bretagne, ça doit être le beurre salé.
Les vertus du beurre salé sont si nombreuses. Merci à toi de nous en apporter une preuve définitive en cette merveilleuse occasion de ton interview.
Poursuivras-tu le voyage jusqu’aux Amériques, prochaine étape logique ?
J’ai eu la chance, durant mes études, de passer plusieurs étés aux Etats-Unis. J’aime vraiment ce pays mais je ne pourrais pas y vivre.
De un, parce qu’il y est très difficile de trouver de la vraie mozzarella di bufala et, de deux, parce que je me suis pas démenée pour apprendre pendant 20 ans le français pour tout recommencer. J’aime bien le changement mais je n’ai pas vocation à devenir nomade.
Et au fait, en toute indiscrétion : pourquoi la Bretagne ?
Pendant le premier confinement, après 12 ans à Paris, j’ai réalisé que je n’avais pas envie de retrouver l’effervescence de la vie parisienne.
La décision était prise de quitter Paris pour me consacrer au pénal.
Mon chat Misha, breton, originaire de la SPA de Fougères, plaidait pour la Bretagne, ma mère essayait de me rapatrier à Nice.
#RaconteMoiTonLove lancé par @FerhatNawel m’a donné envie de vous raconter à nouveau l’incroyable histoire de ma rencontre avec mon petit chat Misha 🧡
— AvocateEnMaturation (@avocatine) April 9, 2021
THREAD https://t.co/1T0BpZVKVY pic.twitter.com/JKJ5qEf5uU
Finalement le chat a eu gain de cause, surtout parce que je suis allergique au soleil et grande amatrice de sarrasin, mais je lui dis que c’est uniquement parce qu’il a su me convaincre.
Je comprends ton choix : habitant comme nous tous, gens de bon goût, chez les chats, ce choix s’imposait naturellement.
Revenons au monde délicieux des réseaux sociaux. Un type plein de finesse t’a récemment qualifiée de « libidineuse » : c’est pas fatiguant d’être une femme sur Twitter ?
J’ai été élevée à la soviétique. Dans ma famille le mot « feministe », c’était une insulte. J’ai eu la chance, surtout durant mon parcours universitaire, de rencontrer des amies qui m’ont initiée à ces questions. Ma vision de la femme en tant que concept a tellement évolué.
Alors être une femme sur Twitter, dans la vie quotidienne, au travail ou dans le couple c’est un challenge permanent. Je questionne tous les jours cet état. Je me sens viscéralement femme, mais cette une notion en construction constante.
Alors quand des bonhommes de Twitter viennent m’expliquer ce que je suis ou ce que je dois être, ça me fait bien rire. Ce sont sans doute les mêmes qui mettent des haricots verts dans leur salade niçoise, bref, ils n’y connaissent rien.
J’ai un certain amour, ou plutôt un amour certain, pour la contradiction et la provocation surtout dans les sujets que j’ai chevillés au corps.
La « libidineuse », ça m’a bien fait rire parce que je peux répondre et me défendre, au pire, je peux juste bloquer. Ce qui m’inquiète est que les personnes qui refusent aux femmes le droit de disposer de leurs corps sont les pères et les mères de filles qui souffrent de cet état en 2021 en France.
Il y a aussi celui qui t’a expliqué que la perte de poids, c’est simple : il suffit de le décider et d’arrêter d’être une feignasse. C’est pas fatiguant de juste être soi, sur Twitter ?
Le poids, je suis tombée dedans toute petite, comme Obélix. Je suis née a moins de 7 mois de grossesse à 2 kg, le gamin à côté était né à 7 mois et 700 g. Bref, la lutte contre mon poids excédentaire, c’est ce qui accompagne mes 32 ans de vie. Je n’ai aucun souvenir sans « régime » et des troubles de comportement alimentaire qui vont avec.
J’ai donc vécu toute ma vie en écoutant les autres me dire ce que je devais manger et comment je devais bouger.
J’ai toujours fait qu’à ma tête.
Comme toute « grosse de la classe », j’ai été harcelée durant toute ma scolarité, et étonnamment ça m’a particulièrement forgée.
Je me soucie que très peu de l’avis des autres. Même si j’aime bien pousser une gueulante de temps à autre pour indiquer aux donneurs de leçon que je les vois mais que je n’ai pas grand-chose à faire.
En dehors de mes coups de gueules, je pense que je parviens malgré tout à être moi-même, sur Twitter et ailleurs.
Je pense aussi #monanalyse
A l’heure où cette interview est préparée, tu as 12.700 followers soit un gain annuel moyen de 2.540 followers depuis ton inscription ; comment expliques-tu un tel succès ?
Au moment où je réponds ils sont déjà 13.100, et je n’ai aucune clé pour trouver même un début de réponse à cette question.
Il y a eu le thread avec les funfacts sur la Russie, les perles du marché immobilier parisien avec #UnAppartAParis, la robe de la demoiselle d’horreur et l’histoire de la queue de renard, mais clairement rien qui peut justifier 13.100 followers.
On a parlé des cons supra, mais il faut quand même rendre à mes followers ce qui est à eux, ils sont profondément bienveillants et ils m’encouragent dans tout. C’est un soutien virtuel mais qui n’est pas négligeable, j’y tiens beaucoup.
Bigre, ça augmente vite. On dirait les impôts.
Notre première interaction sur Twitter, ce sont des ❤ que tu m’as envoyés au début du confinement quand j’avais dit que je lisais les « Frères Karamazov ».
Tu ne m’unfollowes pas si je t’avoue aujourd’hui que je me suis un peu beaucoup ennuyé à cette lecture ?
Dostoievski (je sais jamais quelle est la bonne orthographe en français) est vraiment pas un auteur facile à lire, il est d’une beauté qui ne peut être décrite par un admirateur lambda que je suis, qui n’a pas son talent.
Après je pense que Dosto est un auteur pour les périodes clés de la vie. Je pense qu’il est difficile de lire des auteurs russes quand on va bien. Les sentiments sont trop extrêmes, les couleurs trop vives, les livres trop longs.
Dostoievsky (je sais toujours pas) a ses moments, rupture amoureuse, dépression, préparation du CRFPA pour « Crime et Châtiment ». Il y a dans la vie plein de moments difficiles qui peuvent être embellis par le monologue de Myshkine dans « l’Idiot », il faut juste saisir le bon moment.
Merci pour tes bons conseils. Je réserve ma prochaine lecture de Dostoïevski (c’est ainsi que l’écrit La Pléiade, considérons qu’il s’agit de la référence) à une prochaine phase dépressive profonde. Qui ne saurait tarder, d’ailleurs.
C’est @MissPerelin qui a recommandé que tu sois interviewée dans le blog suprême. Comment as-tu vécu cette nouvelle ?
J’étais très flattée, j’ai tellement d’estime pour @MissPerelin, avec @Le_Doc ils sont de vrais amis, rencontrés grâce à ce merveilleux oiseau bleu, j’étais très touchée. Même si je me suis toute de suite dit que je n’avais rien d’intéressant à raconter.
C’est finalement une démarche très volontaire que d’y participer parce que ça me permet de lutter activement contre mon syndrome de l’imposteur.
C’est absolument fou le nombre d’interviewé•e•s qui me confessent ce syndrome. Une sorte de complémentarité avec mon syndrome du suprême. Et donc, ce sentiment d’être une imposteure, en quelles occasions se manifeste-t-il pour toi ?
Il vit en moi au quotidien, c’est comme un ténia. C’est la et ça te bouffe de l’intérieur. Parfois on s’en débarrasse, mais ça revient vite.
Bref, lavez-vous les mains et bon appétit.
Merci, bon appétit à toi aussi bien sûr.
A ton tour, à qui souhaites-tu de connaître les joies célestes d’une interview dans le blog suprême ?
Je vais recommander des personnes extraordinaires rencontrées ici et qui sont particulièrement passionnantes par leurs parcours. Je pense à la pétillante et badass @Sev_Erhel, à la douce et incroyable @sui_gene_ris.
Et pour quitter quelques instants la Bretagne au génial @Velivreur_e_s.
Parfait, @Sev_Erhel vient d’être recommandée par ce bon docteur Bruno Rocher, la pression augmente... et encore plus sur ma procrastination pour préparer son interview 🤦♂️
Depuis que tu connais Maître Roger, comment ta vie a-t-elle changé ?
Totalement, les couleurs sont plus belles, l’air plus frais, mes journées sont heureuses et mon sommeil profond.
Les interviews dans le blog suprême ont des vertus thérapeutiques certaines, comme l’homéopathie mais en mieux, genre là ça marche vraiment !
Imaginons (sans peine) que Maître Roger est un génie et qu’il te permet d’exaucer un vœu pour le monde : lequel sera-ce ?
Je pensais à plein de choses comme : octroyer aux hommes la capacité d’enfanter, la paix dans le monde, l’interdiction d’une météo supérieure à 20°C ou l’amour pour tous.
Mais on m’a toujours dit que le grand bonheur c’est les petits bonheurs du quotidien, alors je choisirai les petits plaisirs : manger sans grossir.
En génie bienveillant, et suprême, il m’est agréable de te promettre la paix, la météo, l’amour et la gourmandise qui ne fait pas grossir telle que nous l’a enseigné Ariane Grumbach, interviewée toute récente.
Tu sais que ta vie va être bouleversée après la publication de ton interview dans le blog suprême, les gens te reconnaîtront dans la rue et te demanderont des autographes, pour les plus pudiques. Comment te prépares-tu à cette nouvelle vie de star ?
J’ai commandé un sweatshirt et des lunettes noires. Je réfléchis à un changement de couleur de cheveux. Je pense ne plus publier de photos de mes chats afin de préserver leur tranquillité, les photos publiées précédemment seront floutées.
Où souhaites-tu que Maître Roger t’invite à dîner quand tu seras une star et quel sera le menu ?
Un restaurant de fruits de mer. Bulots, langoustines, huitres creuses fines de clair de claire ou des bretonnes plates. Du cidre, parce que c’est le seul alcool que j’arrive à tenir a peu près, et une tartelette aux fraises ou une glace. Miam.
Qu’il en soit ainsi 🙏🏻
Quel est le dernier livre que tu as lu ? Et c’était bien ?
Le dernier livre que j’ai lu c’était une encyclopédie sur le cerveau. J’aime lire de la littérature médicale ou scientifique accessible à mon niveau de profane. C’est toujours passionnant parce que je découvre des notions et des fonctionnements qui font partie de moi et qui font l’être que je suis alors que j’en ignorais jusque l’existence.
Quelle musique as-tu écoutée pour répondre à cette interview ?
La musique d’une rue passante du centre-ville de Rennes. Les fenêtres du bureau ouverts, j’entends les enfants qui crient, des gens qui passent avec des valises à roulettes en faisant un boucan pas possible sur le pavé, un camion qui s’aventure dans une marche arrière avec un bip bip bip incessant. L’heure de pointe de pointe est passée mais la ville n’est pas couchée.
Et les chats, dans tout ça ?
Les chats ce sont des générateurs de bonheur et de poils. Je profite du bonheur 5 jour sur 7 et je lutte avec les poils le week-end.
Ils me tolèrent, je les en remercie.
Heureux chats #monanalyseapprofondie
C'était l'interview de AvocateEnMaturation (@avocatine)
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